Céreq Bref, n° 474-475, Septembre 2025, 8 p .

Les dotations volontaires sur les CPF des salariés, entre méconnaissance et usage stratégique

Publié le
4 Septembre 2025

Depuis 2020, l’employeur peut verser une dotation dite « volontaire » sur le compte personnel de formation de ses salariés afin de cofinancer un projet de formation. Cependant, ce dispositif reste globalement très peu utilisé : seules 2,3 % des entreprises de plus de dix salariés y ont recouru. Son usage répond à quatre types de gestion des ressources humaines, entre logique d'opportunité et mobilisation stratégique. Les freins au déploiement du dispositif indiquent de potentiels leviers d’action : information, accompagnement et coconstruction promettent à l’employeur et au salarié un accord gagnant-gagnant.

Communiqué de presse
Supplément numérique 474 - 475 >

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Si l’usage du compte personnel de formation (CPF) par les actifs est bien documenté [1] [2] [3] [4], la place de ce dispositif dans les pratiques de formation des entreprises reste encore peu explorée, en particulier lorsqu’il est mobilisé de façon stratégique au service de la gestion des compétences. 
Depuis septembre 2020, les employeurs ont la possibilité de créditer le CPF de leurs salariés via une dotation dite « volontaire », afin de cofinancer un projet de formation dans une logique de coconstruction des parcours professionnels (cf. Encart 3). Selon la Caisse des dépôts, entre 2020 et 2023, à peine 1 salarié sur 1 000, parmi ceux exerçant dans les entreprises de 10 salariés et plus, a bénéficié d’une dotation volontaire. Sur la même période, seules 2,3 % des 284 656 entreprises de plus de 10 salariés en ont attribuées*. Cela laisse entrevoir de potentiels progrès pour les années à venir. 
Afin de mieux comprendre les raisons qui conduisent les entreprises à mobiliser, ou non, ce dispositif de dotations volontaires, la Caisse des dépôts, gestionnaire du CPF, a sollicité le Céreq pour conduire une étude (cf. Encart 4). Celle-ci vise à mieux comprendre les logiques d’appropriation, les obstacles rencontrés ainsi que les conditions favorables à l’utilisation de ces dotations dans les pratiques de formation.

Les conditions favorables à l’usage des dotations volontaires

L’étude met en lumière les caractéristiques spécifiques des entreprises dotatrices, offrant ainsi un premier éclairage sur les conditions favorables à l’usage des dotations volontaires.

Le recours aux dotations volontaires est principalement influencé par la taille de l’entreprise. En effet, plus une entreprise est grande, plus elle est susceptible d’y recourir (cf. Encart 1). D’autres facteurs, tels que le secteur d’activité, contribuent à expliquer les écarts observés. Par exemple, les entreprises des activités financières et d’assurance, ainsi que celles de l’industrie manufacturière et de la production d’énergie qui sont particulièrement actives en matière de formation continue des salariés, utilisent davantage ce dispositif (respectivement 7 % et 4 %). 

Les entreprises dotatrices se caractérisent par un effort de formation plus important qui ressort tout à la fois des taux de participation financière1 et des taux d’accès à la formation des salariés2. Pour preuve, la part d’entreprises dotatrices s’élève à 7 % lorsque celles-ci ont des taux d’accès à la formation supérieurs à 63 %, contre 2,3 % pour l’ensemble. Cette part est de 6 % quand les dépenses de formation dépassent 2,2 % de la masse salariale brute non chargée.
 Ces entreprises se distinguent également par une répartition plus équitable de la formation entre les différentes catégories socioprofessionnelles*. Voici comment une directrice des ressources humaines d’une entreprise recourant largement aux dotations volontaires qualifie la politique de formation de son entreprise : « Nous, ce qu'on considère, c'est qu'à toute situation [même] exceptionnelle, c'est la règle qui s'applique. Et elle est la même pour tous. Sinon, pourquoi lui ? Pourquoi pas lui ? Sinon après, comment vous pouvez avoir un dialogue social construit ? » (association du secteur médico-social, plus de 1 000 salariés).
Cela étant, même dans les établissements où la formation est plus équitablement partagée, les dotations volontaires continuent de bénéficier prioritairement aux cadres.

Le recours au dispositif de dotations volontaires s’inscrit plus souvent dans des pratiques de formation structurées et diversifiées. Ainsi, les entreprises qui élaborent un programme de formation écrit ou qui disposent de leur propre centre de formation sont plus souvent dotatrices*. De même, celles qui financent des dispositifs spécifiques tels que la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), le bilan de compétences, sont plus enclines à utiliser ce dispositif. 15 % des entreprises qui ont financé des bilans de compétences ont recours au dispositif de dotations volontaires contre 2,3 % dans l’ensemble, ce qui laisse à penser que bilan de compétences et mobilisation du CPF doté vont souvent de pair.

Le recours aux dotations volontaires est d’autant plus fréquent que les représentants du personnel sont impliqués dans la gestion de la formation. Leur participation aux échanges et aux décisions, notamment dans le cadre du comité social et économique (CSE), favorise l’adhésion au dispositif, en particulier dans les petites et moyennes entreprises*. Si leur avis reste consultatif, il peut être pris en compte dans les décisions finales concernant les dotations, surtout dans les structures où le dialogue social est valorisé : « On a la ligne stratégique de l’association. Lorsqu’il y a une demande d’un salarié, elle est traitée individuellement en fonction de son expérience, de son parcours, du fait qu’il a déjà bénéficié ou non d’une formation qualifiante, etc. Ensuite, le dossier est examiné par la commission Formation du CSE lors d’une des réunions programmées trois fois par an. Les représentants du personnel ont accès au dossier. Des échanges sont engagés sur la nécessité, la plus-value, l’opportunité de la formation visée. La direction demande au salarié de mobiliser 100 % de son CPF.  Ce qui est intéressant, c’est que les dossiers sont étudiés avec la DRH, avec la responsable formation et avec des élus du CSE. Et donc ils valident ça de manière concertée. Je veux dire aujourd’hui, on est arrivé à un niveau de dialogue social qui nous permet de travailler intelligemment ensemble parce que je pense que c’est ça qui participe du climat social, sans compromission » (représentant du personnel, entreprise secteur Santé et action sociale, plus de 1 000 salariés).

 

 
  • 1

    Dépenses de formation/masse salariale

  • 2

    Part de salariés ayant suivi au moins une formation au cours d’une année donnée.

Entre stratégies RH et engagement minimal : quatre types d’usage des dotations volontaires

Comment la décision de recourir au dispositif est-elle prise ? Les réponses des établissements dotateurs permettent d’en tracer les grandes lignes. Dans la majorité des cas, l’information sur les dotations volontaires provient de l’opérateur de compétences (OPCO)(64 %), et l’initiative peut venir aussi bien du salarié que de l’employeur*.

En croisant l’origine de la demande, les modalités de décision, la fréquence et les motifs de recours, une typologie en quatre grandes stratégies d’usage a pu être dégagée. Elle met en lumière la diversité des pratiques, en lien étroit avec l’organisation des établissements et leurs orientations en matière de formation (cf. Encart 2).

Dans le premier groupe d’établissements (21 % des structures), composé notamment de PME  appartenant aux secteurs médico-social ou éducatif, le recours au dispositif s’inscrit dans une stratégie de gestion des compétences pilotée à l’échelle locale, et orientée vers des besoins de formation directement liés à l’activité de la structure. Informés plus fréquemment par les organismes de formation ou leur comptable, ce sont les employeurs qui prennent généralement l’initiative pour proposer lors de l’entretien professionnel, un versement sur le compte du salarié et s’accorder avec lui sur le montant à mobiliser sur son CPF. Le dispositif de dotations volontaires est alors mobilisé comme un levier complémentaire, destiné à compenser les limites d’un plan de développement des compétences jugé financièrement insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins. Dans ce cadre contraint, les dotations sont orientées vers des formations ciblées en amont par les employeurs, directement utiles à l’activité et répondant à des enjeux opérationnels. Il s’agit le plus souvent de formations réalisées sur le temps de travail dans les domaines du transport, de la manutention, du travail social, de l’enseignement ou de la formation.
En témoigne le directeur d’un établissement qui a eu recours au dispositif de dotation du CPF pour financer des « formations qui sont à la croisée des chemins entre le plan de développement des compétences et le CPF » destinées à des projets « accompagnés par l’entreprise », et reposant sur « un intérêt partagé » entre le salarié et l’entreprise. Plus précisément, l’entreprise a recours au dispositif pour financer des formations trop longues et coûteuses pour « être prises en charge par le plan de développement des compétences uniquement ». Le responsable de la formation souligne l’importance que ces formations répondent également aux besoins de l’entreprise, justifiant cela par le fait que les fonds utilisés pour l’abondement proviennent du plan de développement des compétences : « Ces fonds-là, ils sont bien pris quelque part et c’est sur le plan de développement des compétences » (entreprise de plus de 1 000 salariés du secteur « Enseignement, santé et action sociale »).

Le deuxième groupe d’établissements (25% des structures) adopte une stratégie de dotations volontaires centrée sur la réponse à des demandes individuelles ponctuelles. Ces établissements ont recours au dispositif avec parcimonie et à l’initiative des salariés eux-mêmes. Cette posture s’explique en partie par un manque d’information sur le dispositif du côté des employeurs, qui sont souvent informés par les salariés qui les incitent à engager la démarche. La décision, prise au niveau du siège et au cas par cas, témoigne d’un usage maîtrisé et sélectif du dispositif, dans un contexte où les moyens consacrés à la formation sont globalement restreints. Les dotations, lorsqu’elles sont accordées, répondent à un double objectif : acquérir des compétences utiles à l’établissement et valoriser ou fidéliser des profils plutôt qualifiés, en particulier les cadres. Cette approche semble caractéristique de petites structures appartenant plus fréquemment aux secteurs des activités spécialisées scientifiques et techniques et du médico-social où la gestion des compétences s’inscrit dans un cadre budgétaire contraint. Les formations suivies dans le cadre des dotations, plus souvent hors temps de travail, concernent plus particulièrement les ressources humaines, la gestion du personnel, le travail social, l’enseignement et la formation. Ces formations visent également à accompagner les évolutions professionnelles (VAE, bilan de compétences, préparation à la retraite).
Du point de vue des ressources humaines, le dispositif a l’avantage de s’appuyer sur l’initiative du salarié, ce qui renforce son implication dans la démarche de formation grâce à l’usage de son CPF. En contrepartie, l’employeur peut envisager une évolution professionnelle en interne, sans que cela constitue un engagement formel. La DRH d’une entreprise de plus de 1 000 salariés, dans le secteur du commerce, témoigne : « Mettre le collaborateur à contribution pour que ce soit vraiment son projet et qu’il n’y ait pas derrière quelque chose qui soit induit, c’est à dire que si le montant est pris sur le plan de formation, il peut y avoir une espèce de message que derrière il y a une évolution qui sera faite et cetera. Alors que là bon, c’est l’initiative du collaborateur, on peut contribuer en tant qu’entreprise et derrière il n’y a pas d’engagement, même si dans les faits, souvent il se passe quelque chose. »

Les établissements du troisième groupe (29 % des structures) adoptent une stratégie de dotations volontaires structurée, inscrite dans un environnement favorable à la formation continue. Ces établissements, généralement de grande taille et appartenant davantage aux secteurs de l’industrie, des activités financières ou de l’assurance sont plus souvent intégrés dans un groupe d’établissements piloté par un siège social. Principalement informés via leur OPCO ou des campagnes institutionnelles (Caisse des dépôts, ministère) ces établissements mobilisent le dispositif plus régulièrement et l’intègrent à une gestion planifiée des compétences, appuyée sur des services spécialisés, des accords collectifs et une implication plus forte des représentants du personnel. Si les dotations bénéficient d’abord aux cadres, l’accès est également ouvert à d’autres catégories de salariés, notamment les ouvriers. Le dispositif est mobilisé de manière ciblée, en complément d’une politique interne déjà active, pour répondre à des objectifs variés : adaptation des compétences, fidélisation, soutien à la mobilité interne ou à la VAE et surtout renforcement de l’engagement des salariés dans leur parcours. La grande majorité des formations suivies grâce aux dotations visent l’acquisition de compétences dans le domaine de la finance, de la banque ou de l’assurance en cohérence avec l’activité principale de ces structures. Lorsqu’une formation est ciblée en amont de la dotation, elle est plus fréquemment réalisée sur le temps de travail ; ce qui souligne un peu plus l'engagement de l'entreprise puisqu'en plus de la dotation, elle s'acquitte (indirectement) du coût d'opportunité de celle-ci. Il s’agit principalement de formations en langues étrangères ou en bureautique et technologies numériques. 
Par exemple, une entreprise du secteur défense/sécurité recrute environ 500 collaborateurs chaque année notamment sur des métiers en tension.  Sur certains sites de l’entreprise, certains postes sont particulièrement recherchés, avec une concurrence forte sur les territoires, et des tensions notables existant depuis 2020. Les recrutements sont motivés par les départs en retraite et la création de nouveaux postes. L’entreprise fait de nombreux efforts pour fidéliser ses salariés (primes de cooptation). Parfois, il est nécessaire de délocaliser un poste afin de retenir un collaborateur. Plusieurs entreprises évoluent dans un environnement de recrutement similaire et cherchent à attirer les mêmes profils. L’entreprise vieillissante a recruté beaucoup de jeunes, plus mobiles et souhaite désormais les fidéliser, notamment par le biais de la formation, d’où les dotations volontaires.  

Les établissements du dernier groupe (25 % des structures) ont pour leur part un recours limité au dispositif, et ce malgré des montants relativement élevés lorsque celui-ci est mobilisé. Leur approche semble moins structurée et plus informelle, avec un faible niveau d’information et peu de discussions entre les employeurs et les salariés. Ces établissements affichent des perspectives économiques moins favorables et un faible recours à la formation. La dotation volontaire est souvent attribuée dans un cadre moins individualisé, avec des projets qui peuvent concerner plusieurs salariés et répondre à des enjeux spécifiques comme les mobilités externes. Cependant, cette approche reste relativement peu ciblée en termes de spécialité, et l’accent semble davantage mis sur des certifications de droit ou des formations utilitaires (comme le permis de conduire). Les formations suivies dans cette perspective n’ont pas pour objet principal de répondre aux besoins en compétences de l’entreprise, comme en témoigne la DRH d’une entreprise ayant procédé à ce type de dotation : « La personne ne se plaisait plus dans ses fonctions. La direction était plutôt d’accord parce qu’on trouvait que son état d’esprit faisait que ce n’était pas la peine de le garder à tout prix s’il voulait partir. Une dotation de 2 000 euros a été décidée pour compléter le CPF du salarié afin qu’il se reconvertisse » (DRH, entreprise secteur Transports et entreposage,  plus de 1 000 salariés).

 

Les freins à l’usage du dispositif

Le recours au dispositif répond à des logiques de gestion des compétences, mais repose aussi sur un arbitrage économique : les entreprises qui jugent les formations trop coûteuses sont celles qui l’utilisent le plus. Du côté des salariés, les demandes de dotation visent souvent à compléter un CPF insuffisant pour accéder à la formation souhaitée. Le dispositif devient alors un levier de co-construction et de co-financement d’une formation associant employeur et salarié, face à des formations onéreuses, tant en coût financier qu’en temps de travail. Pourtant, malgré cet intérêt partagé, le recours reste globalement limité. Quels sont alors les freins qui entravent une diffusion plus large des dotations volontaires ?

 

 

Le premier frein évoqué par les entreprises n’ayant pas eu recours au dispositif est le manque d’information. 71 % d’entre elles déclarent ne pas connaître le dispositif ou en avoir une connaissance insuffisante*. Ce déficit d’information concerne particulièrement les plus petites structures : parmi les non-dotatrices de moins de 10 salariés, seules 29 % en ont entendu parler, contre 55 % des non-dotatrices de plus de 50 salariés. Les entretiens menés auprès des responsables RH et des salariés confirment une information inégalement captée par les cadres en charge de la formation, et encore plus inégalement transmise aux salariés susceptibles d’en bénéficier.

Le manque d’initiative des salariés est également  identifié comme un frein majeur, notamment dans les entreprises des services administratifs, où les actions de formation s’orientent davantage vers des cours ou des stages, souvent obligatoires, ou vers des dispositifs internes comme le tutorat. Recourir à une palette plus large de dispositifs de formation, notamment individualisés, relève ici plutôt d’une initiative salariée. C’est du moins le point de vue des employeurs : une entreprise est plus susceptible de déclarer que le manque de sollicitation des salariés n’est pas un problème quand elle a déjà financé de la VAE ou que des salariés ont déjà suivi des formations via le CPF.
Cependant, tous les salariés ne s’inscrivent pas dans une logique de développement professionnel adossée à la politique de formation de l’entreprise, et certains considèrent le CPF comme un capital personnel, à mobiliser de manière autonome, ce qui peut également limiter les formes de co-construction avec l’employeur. 
Au niveau organisationnel et stratégique, une charge de travail élevée, des difficultés de remplacement, le recours privilégié au recrutement externe ou à l’alternance, ainsi que des efforts déjà engagés en matière de formation peuvent freiner l’investissement de l’entreprise. Ces contraintes, intériorisées par les salariés, peuvent également réduire leur volonté de solliciter leur employeur pour mobiliser les dotations volontaires. 
De surcroît, les difficultés d’évolution sur la plateforme à l’usage des salariés sont également mentionnées, notamment s’agissant des moins qualifiés, moins rompus aux finesses de l’informatique. Ces difficultés mériteraient d’être prises en considération, notamment en vue d’améliorer l’accès des salariés aux possibilités que leur offre leur CPF. « L'identité numérique et l'utilisation du compte CPF sont très compliquées pour nos salariés. Ce sont les salariés qui ont le plus de besoins de formation qui ont le plus de difficultés dans l’utilisation. Sans accompagnement ils ne feraient pas de formation. Les personnes les plus pénalisées sont donc les personnes avec peu de formation/compétences informatiques » (chargé de la formation, réponse à une question ouverte de l’enquête EFE Enquête Formation Employeurs (voir Encart 4).

Le troisième frein identifié est la contrainte budgétaire. Logiquement, ce sont les entreprises des secteurs où les budgets formation sont les plus restreints (comme l’art, la culture, l’éducation ou la santé) qui l’évoquent fréquemment comme un obstacle pour recourir au dispositif. Notons que l’appartenance à un groupe ou à un réseau d’enseignes réduit la probabilité d’évoquer cette difficulté.
Plus largement, des coûts de formation élevés, combinés à une charge de travail importante et à la difficulté de remplacer les salariés absents, renforcent la perception d’une contrainte budgétaire. Cela montre que les freins financiers ne sont pas isolés, mais étroitement liés à des contraintes organisationnelles qui pèsent également sur la capacité des entreprises à mobiliser le dispositif.

Viennent ensuite les freins rendant compte des besoins de l’entreprise en matière de formation. Ceux-ci sont satisfaits par la politique mise en œuvre, et n’appellent pas d’effort financier supplémentaire, notamment sous la forme de dotations. 
L’absence de besoins semble répondre à deux réalités très contrastées. D’une part, elle est plus souvent mentionnée par les entreprises mettant en pratique une politique de formation intense et diversifiée (taux d’accès supérieurs à 50 %, formateurs en interne, tuteurs). Celles-ci estiment par conséquent que leurs besoins en formation sont satisfaits et n’appellent pas le recours au dispositif. D’autre part, l’absence de besoin est également mentionnée par les entreprises dépourvues de politique de formation ambitieuse et qui s’orientent davantage vers des stratégies basées sur les recrutements ou le recours à l’alternance pour faire face à leurs besoins en compétences. 
En conclusion, plusieurs leviers pourraient être activés par les entreprises afin de déployer plus largement le dispositif des dotations volontaires.
 

 

Favoriser le recours au dispositif : quels leviers d’action ?

 

Seules 2 % des entreprises de 1 salarié et plus envisagent de recourir au dispositif à l’avenir (cf. Encart 5). Ce taux progresse nettement avec la taille de l’entreprise, et sans surprise, avec l’expérience antérieure du dispositif. Ainsi, 17 % des entreprises déjà « dotatrices » souhaitent l’utiliser à nouveau, une proportion qui atteint 31 % parmi celles de plus de 1 000 salariés. Dans l’ensemble, le recours aux dotations volontaires reste ponctuel, près de 8 structures dotatrices sur 10 n’y ont eu recours qu’une seule fois en 4 ans.
 Dans ce paysage, le groupe 3 se distingue : plus de 60 % des établissements qui en relèvent envisagent de recourir à nouveau au dispositif. Cette dynamique s’explique par son intégration dans la politique de formation de l’entreprise, où il est utilisé comme un levier complémentaire d’accès à la formation, sans forcément répondre à un besoin immédiat. Même si le nombre de bénéficiaires reste limité, le dispositif est pleinement inscrit dans une logique d’anticipation et de développement des compétences.
De fait, la plus large marge de progression semble se situer du côté des très nombreuses entreprises (99 % de l’ensemble des entreprises de 1 salarié et plus) qui n’ont jamais doté le compte CPF d’un de leurs salariés en 4 ans. Parmi celles qui, malgré tout, connaissent le dispositif, près de 4% déclarent souhaiter l’utiliser à l’avenir. Cela représente environ 23 200 entreprises, un volume significatif au regard des 7 000 structures de 1 salarié ou plus ayant mobilisé le dispositif entre 2020 et 2023. Leurs caractéristiques indiquent des pistes intéressantes quant aux leviers susceptibles d’être mobilisés pour encourager le recours au dispositif. Des axes porteurs d’amélioration se dessinent.

En premier lieu, il s’agirait de renforcer l’accompagnement  des  entreprises. Lors de l’entretien professionnel, c’est à l’employeur d’informer les salariés sur certains dispositifs de formation, notamment le CPF et les abondements qu’il peut effectuer sur leur compte. Mais cette information ne circule efficacement que si l’employeur lui-même est bien informé et accompagné. Les OPCO, principaux relais d’information sur le dispositif, jouent un rôle important dans le recours aux dotations volontaires. Les entreprises qui les sollicitent pour accompagner la mise en œuvre de leurs actions de formation en font un usage plus important. Ce soutien est d’autant plus déterminant pour les structures de 300 à 999 salariés, qui mobilisent davantage le dispositif lorsqu’elles recherchent des conseils sur les formations, les méthodes pédagogiques innovantes ou les outils destinés aux salariés, comme le CPF.
Par ailleurs, l’information est mieux diffusée si l’entreprise est intégrée à un réseau d’enseignes favorisant l’échange de bonnes pratiques. Les enquêtes mettent en lumière que de nombreux employeurs manquent d’information, ce qui limite un dialogue constructif avec les salariés autour du dispositif. Ce problème est particulièrement important dans les petites entreprises, qui utilisent parfois le CPF pour financer leur plan de formation sans toujours connaître les possibilités de financement du plan de développement des compétences proposées par les OPCO.
Il est donc essentiel de renforcer la sensibilisation et la communication auprès des entreprises pour mieux faire connaître ce dispositif tant auprès des employeurs que des salariés. Certaines pratiques efficaces sont déjà en place, bien que peu connues de l’ensemble des entreprises interrogées. Parmi elles, certaines, toutefois, témoignent de l’impact positif de disposer d’un interlocuteur par téléphone pour faire un point annuel. Sont également mises en avant des bonnes pratiques observées ailleurs partagées via des ateliers d’échanges en présentiel avec d’autres entreprises. Par ailleurs, la création de supports pédagogiques, comme un guide ou un livret explicatif, ainsi que le recours à des formats numériques, vidéos, webinaires, MOOC, sont plébiscités.

Autre piste à explorer : clarifier le champ des formations éligibles. Certaines entreprises perçoivent le dispositif de dotations volontaires comme un coût supplémentaire difficile à assumer, en raison de l’absence de budget spécifiquement dédié. En même temps, face au prix élevé des formations classiques (cours et stages), elles se montrent plus enclines à envisager d’y recourir, y voyant une solution pour élargir leurs possibilités de financement. Cette tension met en lumière un usage pragmatique du dispositif, comme levier complémentaire pour soutenir l’accès à la formation. Elle pose néanmoins une question de fond : l’offre éligible au CPF parvient-elle à concilier les attentes des entreprises avec les finalités du dispositif ?

Certains employeurs estiment que l’offre de formations éligibles est trop restreinte. Ils souhaiteraient y voir figurer par exemple des diplômes d'Université (DU) et Interuniversitaires (DIU), ou encore des formations techniques comme les licences de soudure ou les habilitations électriques, pourtant déjà couvertes par les obligations légales. 
Par ailleurs, certains employeurs souhaiteraient pouvoir financer avec les dotations des formations non certifiantes. La certification n’apparaît d’ailleurs pas comme un critère déterminant dans l’attribution des dotations : plus de la moitié des établissements dotateurs déclarent que les salariés n’étaient pas tenus de passer la certification visée, une proportion qui atteint 67 % dans les structures de moins de 10 salariés. Comme l’exprime un responsable de formation, il faudrait permettre « l’utilisation du CPF pour toutes les formations, qu’elles soient qualifiantes ou non, certifiées Qualiopi ou non ». 
Enfin un autre point soulevé porte sur la possibilité de découper certaines formations éligibles en briques de compétences : « Certaines formations éligibles mériteraient d’être découpées en briques de compétences (parfois une formation coûte plus de 10k euros alors que le salarié n'a besoin que de 10% des modules proposés pour renforcer les compétences dont il a besoin » (réponse à une question ouverte de l’enquête EFE).
Toutefois, si les employeurs mettent en avant un désir d’élargir le champ des formations éligibles, les représentants du personnel, a contrario, portent un tout autre discours et dénoncent l’utilisation parfois abusive du CPF.
A ce propos un responsable RH souligne que « Pour eux [le syndicat signataire de l’accord], le point essentiel, c’était de ne pas utiliser la dotation volontaire pour cofinancer des actions qui peuvent être éligibles au plan de l’entreprise. Voilà ça, c’était la ligne rouge et donc on a toujours respecté ce principe-là. Et dans la mesure où on utilise le cofinancement que pour des projets personnels d’évolution, ils [partenaires sociaux signataires] étaient très favorables au dispositif et globalement ils ont adhéré au dispositif. Les seules remarques qu'on a, c'est effectivement le volume qui n'est pas si important que ça au final » (entreprise de plus de 1 000 salariés du secteur « activités immobilières spécialisées scientifiques et techniques).

Enfin, un enjeu majeur consisterait à développer des espaces de coconstruction des projets professionnels pour faire valoir le gagnant-gagnant. Il est essentiel d’accorder une attention particulière aux temps d’échange entre employeur et salarié, en développant les entretiens professionnels et en y intégrant systématiquement la question des dotations volontaires. Ces entretiens doivent devenir un moment clé pour informer, orienter et envisager, le cas échéant, le recours au dispositif dans une logique partagée de développement des compétences. Au vu des informations recueillies, lorsque la coconstruction vient s’inscrire dans un cadre structuré et formalisé, notamment en application d’un accord collectif, impliquant les partenaires sociaux, elle s’avère encore plus aisée à envisager et à mettre en œuvre.
Précision non négligeable : côté employeurs, d’aucuns soulignent leur crainte d’un investissement sans retour, dans le cas où un salarié formé choisirait de quitter l’entreprise après avoir obtenu la certification visée. Émerge par endroit l’idée d’un dédit-formation qui garantirait légalement pour un certain temps le maintien dans l’entreprise du salarié dont le compte a été doté. 

Dans le même ordre d’idées, il s’agirait aussi d’encourager la mise en place de démarches de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) et de promouvoir le dispositif de dotations volontaires en même temps que d’autres dispositifs de formation. Les entreprises engagées dans l’identification des besoins en compétences et qui financent des dispositifs tels que la VAE ou le bilan de compétences envisagent plus souvent d’utiliser le dispositif de dotations volontaires dans l’avenir. Capitaliser sur ces dispositifs pour promouvoir le recours au dispositif de dotations volontaires, tant auprès des employeurs que des salariés, pourrait constituer un levier stratégique.

En savoir plus

[1] France Compétences, « Le CPF à l’appui des démarches de mobilité professionnelle des salariés », La note d’études, n° 9, juin 2024.
[2] Caisse des dépôts Groupe, « La formation professionnelle financée par le CPF en 2023 : quels sont les prix des formations ? », Questions Politiques Sociales. Les brèves, n° 26, juillet 2024.
[3] Dares, « Le compte personnel de formation en 2024. Une année marquée par plusieurs réformes », Dares Résultats, n° 39, juillet 2025.
[4] Caisse des dépôts Groupe, « Les dotations des employeurs sur les comptes personnels de formation (CPF) : typologie des publics concernés et utilisation des dotations entre 2020 et 2023 », Questions Politiques Sociales. Les études,  n° 44, juin 2025.

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