Du bac G au bac STMG : 25 ans d’évolution du plus généraliste des diplômes technologiques
Créé en 1968 pour accompagner la première vague de démocratisation scolaire, le bac technologique de gestion a vu ses intitulés et ses contenus changer au gré des évolutions du système éducatif, sans toutefois se départir d’une image moins valorisée que celle des sections générales. Dans quelle mesure cette image est-elle liée aux indicateurs d’insertion des bacheliers issus de cette filière ? Qu’en est-il de l’objectif de promotion sociale qui était assigné à ce bac dès sa création ? Les enquêtes Génération du Céreq menées de 2001 à 2020 offrent un aperçu de 25 ans d’évolution des profils et parcours des jeunes issus de cette filière.
Actuellement, le bac technologique de gestion représente à lui seul près de 50 % des effectifs globaux de la voie technologique. Ce chiffre interpelle quand, après plus de dix ans de décrue que l'on aurait pu interpréter comme un déficit d'image, le nombre d’élèves préparant ce diplôme repart à la hausse depuis 2016. Cette remontée des effectifs en gestion serait à imputer, en partie, au caractère désormais exceptionnel des redoublements depuis 2016, ainsi qu’à la complexité des réorientations vers la voie professionnelle en fin de seconde [1].
Pourtant, le diplôme conserve une image négative auprès des élèves, parents, enseignants et acteurs de l’orientation, comme en témoigne le bilan de la dernière réforme de la voie technologique : « cette filière accueille de nombreux élèves peu motivés, parfois au bord de la rupture avec le système scolaire, qui perturbent les cours et contribuent à sa mauvaise réputation (…). Cette série a été le “parent pauvre” de la réforme en termes de moyens alloués (réduction horaire des enseignements de spécialité, plus faible enveloppe de la voie technologique pour les heures à effectif réduit) » [3].
Dans ce contexte, comment a évolué l’insertion dans l’emploi des jeunes titulaires d’un bac technologique de gestion ? Que dit-elle des profils et des parcours scolaires des lycéennes et lycéens inscrits dans cette filière ? Pour éclairer ces évolutions, ce Céreq Bref mobilise les enquêtes Générations du Céreq menées de 2001 à 2020 sur les sortants du système scolaire (voir encadré 1). Cela permet des comparaisons avec d’autres bacs des voies générale et professionnelle, plus ou moins concurrents en matière d’orientation avec le bac « STG »*. Sont ainsi éclairés les rendements dans l’emploi, la distribution sociale et les principaux parcours scolaires des élèves en STG. Des évolutions qui offrent des éclairages nuancés quant aux objectifs de promotion sociale assignés à ce diplôme depuis sa création.
Après un bac STG, la poursuite d'études reste un atout pour l'insertion
L’obtention du bac et la poursuite d’études sont-elles favorables aux bacheliers STG ? Les jeunes quittant le système éducatif en 2017 avec le bac STG comme plus haut diplôme sont majoritairement des jeunes ayant échoué dans le supérieur long. Parmi les sortants de 2017 à niveau bac, près d’un tiers est sans emploi en 2020 (taux d’emploi 65 %, voir encadré 2). Cette situation n’est pas spécifique aux STG, puisque assez similaire à celle des bacs ES et des bacs pro du même domaine de spécialité. Elle traduit plutôt une dégradation générale de l’emploi des sortants du secondaire. Surtout, elle doit être mise en regard de la situation des non-diplômés et des détenteurs d’un CAP du domaine tertiaire, dont les taux d’emploi sont respectivement de 38 % et 58 %.
Concernant la poursuite d’études, le taux d’emploi des sortants en 2017 avec le bac STG comme plus haut diplôme est inférieur de dix points à celui des STG diplômés à bac+2, et leur salaire mensuel moyen inférieur de plus de 100 euros. Il y a donc un intérêt manifeste à la poursuite d’études, en STS comme en IUT d’ailleurs, BTS et DUT faisant jeu égal à l’insertion. Hormis en licence générale en sciences humaines et sociales (SHS), où l’insertion est très proche des bacs+2, le fait de poursuivre à bac+3 procure un avantage substantiel. Avec la licence professionnelle, le gain salarial moyen par rapport à une sortie à bac+2 est de plus de 400 euros, le taux d’emploi croît de 10 %, et dépasse les 80 % à bac+5. L’écart est le plus remarquable au niveau des salaires moyens, qui, en atteignant près de 2 000 euros (master) et plus (école de commerce), sont deux fois supérieurs au salaire moyen des sortants dont le bac STG est le plus haut diplôme.
Cet aperçu plutôt favorable intra-filière STG est plus contrasté dès lors que la comparaison porte sur les diplômés de bacs pros du même domaine de spécialité ou d’un bac général ES. Pour les sortants de niveau bac ou bac+2, l’avantage salarial relatif des bacheliers ES tend à s’accroître pour atteindre environ 100 euros pour la Génération 2017 en emploi en 2020. Surtout, par rapport au bac pro, non seulement il n’y a pas de plus-value du bac STG pour les sortants niveau bac, mais l’écart de salaire moyen est même défavorable pour les diplômés de BTS, quelle que soit la cohorte considérée. En clair, en termes de salaire (peu pour le taux d’emploi), la situation relative des bacheliers STG diplômés au plus d’un bac+2 est plutôt défavorable.
Il n’en est pas du tout de même pour les bacheliers STG diplômés à bac+3 et bac+5, dont l’insertion est désormais comparable à celle des titulaires du bac général ES (hors écoles de commerce [4]). Dans quelle mesure ces différences d’insertion selon le niveau de sortie du système éducatif et selon les Générations sont-elles liées aux profils sociaux des inscrits en STG, et donc aux inégalités sociales ?
Un public socialement plus mixte
Le bac G a été mis en place pour accompagner la première vague de démocratisation scolaire des années 1960. Au fil de ses réorganisations et de ses intitulés – mais également des modifications du système éducatif, dont la création du bac pro en 1985 – ses cohortes d’inscrits ont connu des variations tant sur le plan des effectifs que de l’origine sociale. Les données mobilisées offrent un regard sur ces évolutions au cours des 25 dernières années.
Les proportions de sortants titulaires des principaux baccalauréats des Générations 1998 et 2017 présentées ici (voir encadré 3) prennent en compte l’ensemble des détenteurs de baccalauréat pour les années retenues, qu’ils soient sortis immédiatement après l’obtention du bac ou qu’ils aient poursuivi au-delà. On remarque la place relative décroissante du bac STG, avec un recul de 5 % (3 % pour les autres bacs technologiques). Cette place évolue en fonction de celle des effectifs des bacheliers des autres filières. Par exemple, entre les deux Générations 1998 et 2017, les effectifs des bacheliers ES passent de 54 512 à 82 726, et ceux des bacheliers pros de 84 130 à 159 460. Quant aux diplômés de STG, ils évoluent de 60 020 en 1998 à 47 300 en 2017, soit une diminution des effectifs de sortants de plus de 20 %, dont une part semble s’être orientée vers le bac ES [4]. Néanmoins les données ministérielles font apparaître depuis 2016 un retour à la hausse des effectifs en STG, ce renouveau des orientations renforçant le poids de ce diplôme au sein de la voie technologique (cf. supra).
Concernant l’origine sociale, 54 % des bacheliers de STG de la Génération 1998 avaient au plus un parent ouvrier ou employé, contre 37 % pour les bacheliers ES et 60 % pour les bacheliers professionnels. Socialement, le public du bac STG apparaissait donc alors plus proche du bac pro. Cependant, au fil du temps, il va s’en éloigner en renforçant l’écart avec les inscrits en bac pro, parmi lesquels la part des origines défavorisées est supérieure de 10 points pour la Génération 2017. Ces évolutions sont communes à l’ensemble des autres baccalauréats technologiques, où les profils sociaux soulignent la place intermédiaire des bacs technologiques entre voies générale et professionnelle. De la même manière pour le bac STG ou les autres bacs technos, la mixité se renforce (+10 % d’hommes), cependant la filière STG n’en reste pas moins majoritairement féminine.
Pas plus d’accès au supérieur, mais un saut vers les diplômes de bac+3 et 5
Les évolutions évoquées ne s’accompagnent néanmoins pas d’une amélioration de l’accès au supérieur. En 20 ans, l’évolution de la part des bacheliers STG diplômés du supérieur est en effet timide : de 57 % (1998) à 59 % (2017). Ceci, malgré la mise en place de quotas de bacheliers technologiques fixés par les politiques éducatives en vue de favoriser leur accès en BTS et DUT, c’est-à-dire à une diplomation du supérieur court qui apparaissait déjà comme l’objectif assigné au bac G à sa création. En effet, parmi les sortants au niveau bac, nombre d’entre eux ont tenté le supérieur sans succès. Même si la part de sortants sans diplôme a un peu décru après la Génération 2004, pour la Génération 2017, sur 40 % de sortants diplômés au plus d’un bac STG, 24 % ont tenté le supérieur (voir encadré 4). Un résultat qui interroge davantage les possibilités de réussite dans le supérieur de ces jeunes que leurs aspirations à la poursuite d’études. Dans ce domaine, les possibles se sont par ailleurs étendus. Si plus de 7 % des jeunes de la Génération 1998 issus de STG obtenaient un bac+3, ils sont 14 % en 2017. Ces derniers sortent surtout de licence professionnelle (7 %), un diplôme créé en 1999 recrutant principalement des sortants de BTS. Viennent ensuite les sortants de licences générales en SHS (5 %), dont la proportion a doublé entre les deux Générations extrêmes.
Quant aux diplômés d'un bac+5, ils représentent 10 % des sortants issus d’un bac STG en 2017 (6 % en master, 4 % en école de commerce). S'il ne concernait qu’un diplômé sur cinquante pour les Générations 1998 à 2004, l’accès à ce niveau s’accentue à partir de la Génération 2010 et concerne désormais un diplômé de STG sur dix pour la Génération 2017. Ce résultat est sans le moindre doute une conséquence de l’expansion scolaire dans les filières concernées, avec une multiplication par 2 du nombre de diplômés de master de 2000 à 2010 et par 1,6 pour les diplômés d'écoles de commerce (source INSEE).
Le baccalauréat technologique en gestion : un vecteur de promotion sociale
Ainsi, cette progression des bacs STG dans le supérieur participe d’une dynamique générale plus que d’une spécificité de la filière. Pour autant, les classes populaires demeurent nombreuses dans cette filière et l’on peut alors s’interroger sur leur place dans les différents parcours d’études. À cette fin, les principales trajectoires des bacheliers STG sont comparées à celles qui sont les plus proches en termes de publics pour chaque niveau de diplôme de sortie, ceci en regroupant les six enquêtes Génération pour des raisons d’effectifs**.
On peut s'intéresser à la sélection sociale dans une trajectoire de poursuite d'études. Il s'agit de comparer le profil social des jeunes bacheliers avec des niveaux de sortie différents. Pour les bacs STG comme pour les bacs ES, cette sélection est faible, la part d'enfant d'ouvriers et d'employés varie peu entre le bac et le BTS : elle est de 2 ou 3 points. Pour les bacheliers pro qui poursuivent en BTS, l'écart est de 8 points. La sélection sociale est même légèrement plus forte pour un BTS passé par un bac pro que pour un BTS après un bac STG.
Au niveau bac+3, en regard des sortants titulaires du bac, la sélection sociale a été plus forte puisque la proportion d’enfants d’ouvriers ou d’employés diminue d’un peu moins de 10 % pour les bacheliers ES au parcours classique (- 7 %) et les bacheliers STG quel que soit le parcours post-bac (- 11 %). L’origine sociale modeste des jeunes détenteurs d’un bac STG (45 % d’enfants d’ouvriers ou employés) n’en demeure pas moins plus fréquente que celle des bacheliers ES (38 %). STG est donc davantage une filière de promotion sociale. Comme la majorité des bacheliers STG qui parviennent en licence SHS est issue de BTS, c’est ce parcours qui semble déterminant.
Toutefois, tous les bacheliers STG atteignant une licence en SHS n’ont pas un BTS et c’est encore plus vrai pour les bacs+5. C’est le constat effectué à ce niveau qui convainc le plus des vertus de promotion sociale du bac STG. En effet, 40 % des jeunes issus de STG diplômés de master en SHS sont d’origine sociale modeste, contre 27 % des bacheliers ES (sans BTS ou DUT) et 34 % des détenteurs de BTS (hors bac STG). De plus, un tiers de ces diplômés de master en SHS n’ont ni DUT ni BTS et sont donc issus de la filière classique (licence 1, 2 et 3). Une observation qui interroge la pertinence de flécher l’orientation post-bac STG vers les BTS et DUT/BUT plutôt que vers l’université.
Conclusion
Malgré une très faible progression sur 25 ans du taux de poursuites d’études avec succès dans le supérieur, les niveaux de diplôme du supérieur atteints par les bacheliers STG s’élèvent peu à peu. Dans le système éducatif, le bac STG apparaît clairement comme un diplôme de promotion sociale. À bac+3 et 5, l’écart en termes d’origine sociale au bac ES s’accentue au profit des classes défavorisées, et l’insertion des diplômés issus de STG est comparable à celle de ceux issus de ES. Ce n’est pas le cas pour les diplômés de niveau inférieur, en particulier les sortants avec le bac comme plus haut diplôme, qui n’en gardent pas moins une plus-value très conséquente à l’insertion par rapport aux détenteurs de CAP du tertiaire, par exemple.
Ces constats sont à mettre en parallèle avec une hausse des effectifs du récent bac STMG depuis 2016. Celle-ci s’est accompagnée d’une baisse du taux de réussite au bac jusqu'en 2021 et, jusqu’à nos plus récentes données, et d’une augmentation de la part générale des parcours post-bac en difficulté voire en échec, conduisant les acteurs éducatifs à la juger « préoccupante » [1]. Ces nouveaux arrivants iront fort probablement renforcer les rangs des sortants à niveau bac. Conçu dès son origine pour contribuer activement à la poursuite d’études dans le supérieur et favoriser la formation de techniciens supérieurs, le diplôme le plus généraliste de la voie technologique semble désormais atteindre ses objectifs en demi-teinte. Les conditions de réussite scolaire et de poursuite d’études dans le supérieur ne connaissent pas de progressions marquées au cours des 25 dernières années. A contrario, les bacheliers STG qui parviennent à obtenir, au moins, un diplôme de niveau licence et, surtout, à franchir le palier de la sélection vers un bac+5, connaissent des conditions d’insertion désormais comparables à celles des détenteurs du bac général de filière économique et sociale qui leur est le plus proche.
En savoir plus
[1] M. Lugnier, P. Santana, M. Quéré, I. Leguy, J.-M. Paguet, Mission d’expertise de la filière STMG, Rapport à Monsieur le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, 22-23 047A, Paris, IGÉSR, 2023.
[2] P. Lemistre, F. Merlin (dir.), Parcours d’études et insertion des diplômés du supérieur : le rôle des baccalauréats et des formations Bac+2, Paris, Cnesco, 2019.
[3] A. Henriet, M. Rage, M. Rolland, Le bilan de la réforme de la voie technologique, Rapport à la ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, n°2016-060, Paris, IGEN, IGAENR, 2016.
[4] P. Lemistre et B. Saccomanno, Les bacheliers technologiques en gestion : évolutions des publics et des parcours dans le système éducatif et à l’insertion, Céreq Echange, n°26, 2024.