Enquête 2020 auprès de la Génération 2017. Sortants du supérieur : le niveau de diplôme ne résume pas les trajectoires d'insertion
Le début de carrière des jeunes sortis de l’enseignement supérieur en 2017 ne déroge pas à la règle : il est d'autant plus favorable que leur niveau d’études est élevé. Il varie néanmoins selon la spécificité de chaque diplôme, celle de la formation suivie et les caractéristiques des publics concernés. Pour la Génération 2017, les débuts dans la vie active se heurtent également au premier confinement, dont les effets varient alors davantage en fonction des segments d'emploi que du niveau de diplôme.
En 2017, environ 746 000 jeunes ont quitté le système éducatif, dont 59 % sont sortis d’une formation de l’enseignement supérieur. Parmi eux, 22 % n’ont obtenu aucun diplôme supérieur au bac. Pour les jeunes de la Génération 2017, l’avantage du diplôme supérieur pour accéder à l’emploi s’observe tout au long des trois années qui suivent la sortie du système éducatif (cf. encadré 1). Ainsi à la veille du premier confinement, en février 2020, le taux de chômage des sortants du secondaire avoisine encore les 30 % quand celui des sortants du supérieur est de 11 %. Néanmoins, au-delà du simple niveau de diplôme, un certain nombre de paramètres déterminent également les parcours en début de carrière.
1. Encadré méthodologiqueL’enquête Génération 2017 est représentative au niveau national des 746 000 individus primo-sortants de formation initiale durant l’année scolaire 2016-2017, des sorties de l’enseignement secondaire sans diplôme aux sorties de l’enseignement supérieur avec un doctorat. Plus de 25 000 jeunes ont été interrogés entre septembre 2020 et mars 2021 sur leur parcours scolaire et leurs trois premières années de vie active, à l’aide d’un calendrier mensuel qui retrace finement leurs activités au cours de la période. L’enquête vise ainsi à étudier les différences de conditions d’accès à l’emploi en fonction de la formation initiale et de diverses caractéristiques individuelles.
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- Derrière chaque niveau de sortie, un public spécifique
- Un accès majoritaire à l’emploi, façonné par le diplôme et les spécialités
- Au-delà du diplôme, les spécificités de la formation et celles de l’individu
- Au premier confinement, l’emploi préservé mais des modalités du travail bouleversées
- Conclusion
- Pour en savoir plus
Derrière chaque niveau de sortie, un public spécifique
En 2017, trois grands niveaux de sortie rassemblent un peu plus de la moitié des sortants de l’enseignement supérieur (cf. encadré 2) : les non-diplômés de l’enseignement supérieur (22 %), les diplômés de BTS (14%), et les diplômés de master (21 %). D’autres niveaux de sortie sont désormais marginaux : seuls 2 % des sortants ont comme plus haut diplôme un DUT, conséquence probable de la réforme LMD et préfiguration de celle du BUT1
. En lien avec l’élévation générale du niveau d’éducation autant qu’avec la professionnalisation de l’enseignement supérieur, 7 % seulement sortent avec une licence générale. Quant aux spécialités, ce sont les formations de langues, lettres, sciences humaines et sociales (LLSH) et du tertiaire qui prévalent : dans l’ensemble, elles concernent 66 % des sortants de l’enseignement supérieur.
Conséquence d’une série de réformes entamée il y a trente ans et visant à faciliter l’accès à l’alternance, cette voie d’enseignement occupe désormais une place non négligeable au sein de l’enseignement supérieur, puisqu’un jeune sur cinq en est issu. L’alternance concerne particulièrement la licence professionnelle (la moitié des sortants) et le BTS (presqu'un tiers des sortants) mais ne se cantonne plus au supérieur court. Ainsi, 40 % des sortants de master économie, gestion ou AES, 31 % des sortants d’école de commerce et 20 % des ingénieurs ont quitté une formation en alternance en 2017.
Bien que les femmes soient majoritaires à la sortie de l’enseignement supérieur (55 %), elles restent fortement minoritaires dans les formations industrielles et d’ingénieur (cf. encadré 2). Si l’alternance parmi les diplômés de l’enseignement supérieur long concerne presque aussi bien les femmes (21 %) que les hommes (23 %), elle demeure l’apanage des garçons dans l’enseignement supérieur court : 31 % contre 21 % des filles. L’enseignement privé occupe également une place importante dans ce paysage : 27 % des sortants de l’enseignement supérieur, dans des proportions équivalentes chez les hommes comme chez les femmes, ont quitté en 2017 une formation du secteur privé. Cette part varie selon les formations, représentant par exemple 46 % des BTS tertiaire mais seulement 4 % des masters de droit ou sciences.
- 1Réforme LMD : réforme licence-master-doctorat mise en œuvre à partir de 2003 pour adapter le système d'enseignement supérieur français aux standards européens. Réforme du BUT : depuis la rentrée de 2021 les IUT proposent un parcours en 3 ans conférant le grade de licence aux étudiants sortant diplômés d'un BUT (bachelor universitaire de technologie).
Un accès majoritaire à l’emploi, façonné par le diplôme et les spécialités
Les parcours des jeunes en début de vie active sont constitués de premières expériences d'emploi ou d’allers-retours entre l’emploi et le chômage, l’inactivité ou le retour en études ou en formation. Le relevé mensuel d’activité établi par l’enquête Génération permet d’identifier sept parcours types empruntés par les jeunes après leur sortie du système éducatif [1]. L’encadré 3 décrit la répartition de ces parcours types en fonction du niveau et de la filière de formation dans l’enseignement supérieur en 2017.
Les deux premiers correspondent à un accès durable à l’emploi à durée indéterminée (EDI) : dans la première trajectoire (« accès rapide et durable à l’EDI »), cette stabilisation dans l’emploi a lieu immédiatement après la sortie du système éducatif ; dans la deuxième trajectoire (« accès différé à l’emploi »), elle s’opère un peu plus tardivement après l’entrée sur le marché du travail. Ces deux trajectoires les plus favorables sont le plus souvent empruntées par les jeunes ayant obtenu les diplômes suivants : école d’ingénieur (80 %), école de commerce (75 %), licence professionnelle industrielle (74 %), master économie-gestion-AES (74 %), master scientifique (70 %) ou encore doctorat en santé (65 %). Ces niveaux de sortie de l’enseignement supérieur apparaissent donc comme les plus favorables à l’insertion professionnelle. À profil comparable, cet avantage est confirmé.
Néanmoins, certaines hiérarchies apparaissent avec la distinction de ces deux parcours types : ainsi les diplômés des grandes écoles connaissent plus souvent un accès immédiat à l’EDI, quand les docteurs en santé sont surreprésentés dans la trajectoire d’accès différé à l’EDI. Si la licence professionnelle est dans l’ensemble associée à l’accès à l’EDI, il est plus souvent immédiat pour les diplômés des spécialités industrielles (53 %) et différé pour ceux des spécialités tertiaires (22 %). Globalement, l’enseignement supérieur court professionnalisant est largement associé à des trajectoires d’accès à l’EDI, surtout pour les spécialités industrielles. Les diplômés de la santé et du social se trouvent en tête des jeunes connaissant un parcours d’accès différé à l’EDI, mais ils suivent également souvent la troisième trajectoire, caractérisée par un enchaînement d’emplois à durée déterminée (EDD) plus ou moins longs. Dans cette trajectoire on retrouve également les docteurs, quelle que soit leur spécialité, mais aussi les diplômés des spécialités littéraires de l’université. Dans l’ensemble, les diplômés de l’enseignement supérieur universitaire, et notamment des spécialités LLSH du supérieur long, connaissent des débuts de carrière certes dominés par l’emploi, mais plus souvent instables. Au total, 73 % des jeunes sortis de l’enseignement supérieur ont emprunté un de ces trois parcours dominés par des situations d’emploi.
Ce sont ensuite 21,5 % d’entre eux qui connaissent un parcours d'accès tardif à l’emploi (trajectoire 4), une sortie de l’emploi vers le chômage ou l’inactivité (trajectoire 5), ou un maintien aux marges de l’emploi (trajectoire 6). Chacun de ces trois parcours concerne au premier chef les jeunes sortis sans diplôme de l’enseignement supérieur, ainsi que les sortants titulaires d'une licence des spécialités LLSH. Parmi les diplômés, les sortants de BTS des spécialités tertiaires, dont 9 % ont suivi la trajectoire de sortie d’emploi, sont particulièrement exposés à ces parcours. Enfin, 5,5 % des sortants de l’enseignement supérieur ont suivi un parcours marqué majoritairement par un retour en études ou en formation, au premier rang desquels les sortants sans diplôme et les jeunes sortis non diplômés d’une licence universitaire, quelle que soit la spécialité.
Au-delà du diplôme, les spécificités de la formation et celles de l’individu
L’encadré 3 montre aussi bien l’effet de la hiérarchie des diplômes sur le début de carrière – globalement, plus le niveau de diplôme s’élève et plus l’insertion professionnelle est rapide et de qualité –, que certaines différenciations à niveau donné. La plus criante s’observe au niveau licence : si les trajectoires des diplômés de licence professionnelle sont particulièrement favorables, celles des sortants de licence générale se distinguent par leur difficulté, au point d’être parfois comparables aux parcours des non-diplômés de l’enseignement supérieur. Cette position défavorable est confirmée par la modélisation statistique, qui permet d’identifier l’effet propre du diplôme (ou « effet net ») « toutes choses égales par ailleurs » sur la probabilité d’avoir suivi une trajectoire d’accès rapide et durable à l’EDI (cf. supplément numérique). Quel que soit le niveau de sortie, la différenciation s’opère également à travers la spécialité de formation : l’avantage à l’insertion des formations scientifiques ou techniques est systématique en comparaison de celles littéraires ou tertiaires.
Les caractéristiques propres à l’individu (origine sociale, genre, etc.), au secteur d’enseignement (public/privé) ou encore à la voie de formation (scolaire ou par alternance) jouent également un rôle. Par exemple, 70 % des ingénieurs hommes accèdent immédiatement à l’emploi stable mais seulement 54 % de leurs condisciples femmes. Dans l’ensemble, la modélisation confirme que les jeunes femmes sont pénalisées dès les premières années de vie active par rapport aux hommes. La voie d’enseignement pèse aussi puisqu’à la sortie d’une licence professionnelle tertiaire, 57 % des sortants par alternance empruntent la trajectoire la plus favorable contre 28 % des sortants de la voie scolaire. La voie d’enseignement par alternance accroît bel et bien les chances d’accéder rapidement et durablement à l’EDI, à conditions identiques par ailleurs. En revanche, en considérant des publics comparables, être issu d’un établissement supérieur privé n’augmente pas significativement les chances d’emprunter la première trajectoire.
Au premier confinement, l’emploi préservé mais des modalités du travail bouleversées
Certes plus aisées que celles des sortants du secondaire, les trajectoires des sortants du supérieur se heurtent à un événement d’ampleur à la fin de cette période de trois ans : l’arrivée de la crise sanitaire. Si l’effet de cette crise sur l’accès à l’emploi est immédiat [3], il est resté relativement contenu, du moins sur la période observée, du fait des nombreuses mesures de compensation déployées par l’État. Entre mars et mai 2020, la part des jeunes en emploi a baissé de 2,2 points parmi les diplômés de l’enseignement supérieur court et de 1,8 point parmi ceux de l’enseignement supérieur long [1].
Pour ces jeunes, le début de la crise sanitaire s'est surtout traduit par une modification des conditions de travail. Si la plupart d'entre eux ont été concernés [5], tous n'ont pas connu le même type de modifications [6], ce qui a fortement influé sur leur vécu subjectif. Globalement, le chômage partiel ou le télétravail n'ont pas été associés à une dégradation des conditions de travail, à l'inverse des congés imposés, de la variation de la quantité de travail (à la hausse ou à la baisse) ou encore de la baisse de revenus.
Les jeunes ayant atteint le statut de cadre ont été plus particulièrement concernés par l’augmentation de la quantité du travail et le recours aux congés imposés : cela expliquerait qu'ils aient davantage ressenti une dégradation de leurs conditions de travail que les ouvriers, employés ou professions intermédiaires. Par ailleurs, et toujours en contrôlant le secteur d’activité, le niveau de diplôme et la modification des modalités du travail, les femmes ont plus souvent déclaré que les hommes une dégradation de leurs conditions de travail. Celle-ci varie également selon les secteurs d'activité. Les deux secteurs les plus exposés à cette dégradation sont celui de l’enseignement, qui a connu un bouleversement total et soudain des modalités de travail, et celui de la santé humaine, confronté aux conditions exceptionnelles de la situation pandémique.
Conclusion
Au cours des trois premières années de vie active, le niveau de diplôme et les multiples facettes de la formation suivie (spécialité de formation, alternance ou voie scolaire, secteur d’enseignement) ont une influence très forte sur les parcours d'insertion des sortants du supérieur. Néanmoins, ils ne suffisent pas à expliquer la dégradation des conditions de travail ressentie par les jeunes au début de la crise sanitaire. À l’exception de la situation spécifique des diplômés de la santé, celle-ci s’avère principalement liée aux modifications des modalités du travail lors du premier confinement. Cette dégradation subjective des conditions de travail s’est inscrite dans la durée pour quasiment la moitié des jeunes issus de l’enseignement supérieur l'ayant déclarée, puisqu'elle persiste encore après six mois de crise sanitaire selon 49 % d'entre eux. Alors que les indicateurs statiques d’emploi ne restituent qu'une dimension partielle de l'insertion des jeunes (situation à l'instant T), l'appréhension de leurs trajectoires sur trois ans rend compte de la complexité et de la non-linéarité du processus. Pour le quart des jeunes sortis de l'enseignement supérieur en 2017, trois ans d'observation ne suffisent pas à déterminer le sens de ces trajectoires d'insertion. Leur réinterrogation en 2023 sera l’occasion de suivre l’évolution de celles-ci six ans après la sortie des études, et d’affiner, à travers des questions plus détaillées sur la situation familiale et sur les diplômes obtenus en formation post-initiale, l’analyse de leurs déterminants.
Pour en savoir plus
[1] « Enquête 2020 auprès de la Génération 2017 : Des parcours contrastés, une insertion plus favorable, jusqu’à… », T. Couppié, E. Gaubert et E. Personnaz, Céreq Bref, no422, 2022.
[2] « Enquête 2020 auprès de la Génération 2017 : La crise sanitaire suffit-elle à expliquer les souhaits de réorientation des jeunes ? », S. Jugnot, M. Vignale, Céreq Bref, no 424, 2022.
[3] « L’insertion professionnelle des sortants du supérieur et l’impact de la crise sanitaire », F. Merlin, in État de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France, no 15, Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 2022.
[4] « L’insertion professionnelle des alternants de l'enseignement supérieur », F. Le Bayon, in État de l’Enseignement
supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France, no 15, Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, 2022.
[5] Emploi, chômage, revenus du travail, Insee, Dares, coll. Insee Références, 213 p., 2021.
[6] « La crise du Covid-19 en Europe, révélatrice des fragilités et des inégalités sur le marché du travail », M. Mofakhami, Connaissance de l’emploi, no173, Cnam-CEET, 2021.