Céreq Bref, n° 471, Juin 2025, 4 p .

Mobilité internationale étudiante : un plus pour accéder aux postes de cadres ?

Publié le
3 Juin 2025

Trente ans après la création du programme Erasmus, les séjours à l’étranger pendant les études supérieures restent très prisés. Mais s’ils sont réputés favoriser l’insertion professionnelle, qu’en est-il vraiment ? Comment cette expérience est-elle valorisée en termes d’accès à l’emploi et de niveau salarial ? À partir de l’enquête Génération 2017, ce Céreq Bref s’intéresse aux plus-values professionnelles de la mobilité internationale étudiante, en particulier dans les professions les plus susceptibles de la valoriser, celles généralement pourvoyeuses d’emplois de cadres.

Communiqué de presse

L’engouement pour les séjours à l’étranger en cours d’études ne se dément pas depuis 1987 et le lancement du programme Erasmus de mobilité internationale étudiante. En 2021, 1,5 million de jeunes européens étudient en dehors de leur pays d’origine [1], dont 105 000 étudiants français en mobilité diplômante [Poursuivant des études et inscrits dans un programme d’enseignement supérieur diplômant hors de son pays d’origine]. La France occupe le 6e rang mondial des pays dont les jeunes partent étudier à l’étranger. 

Jouissant d’une attractivité certaine non seulement dans une visée d’ouverture culturelle mais aussi de professionnalisation, une période de formation ou de stage à l’étranger est de plus en plus souvent intégrée à nombre de cursus du supérieur. Être parti à l’étranger pendant ses études peut constituer un signal d’aptitudes renvoyant à des traits de comportement comme le dynamisme, la confiance en soi, l’ouverture d’esprit… lesquelles dispositions peuvent être appréciées et recherchées par les entreprises. En outre, ces séjours favorisent les apprentissages linguistiques [2] et permettent de se familiariser à des méthodes de formation et de travail différentes [3]. Enfin, les contacts noués peuvent conduire à des perspectives d’emploi nouvelles, avec des effets de levier possibles sur la carrière [4]. 

Les potentialités associées à cette expérience suggèrent qu’elle peut constituer un atout pour l’accès à l’emploi. Qu’elle serve de révélateur de compétences sociales ou d’acquis directement productifs (connaissance étendue d’une culture, des institutions, de la réglementation propre à un pays, maitrise d’une langue étrangère, réseau de relations), cette expérience a toutes les chances d’intéresser les secteurs et les métiers tournés vers l’international, tels ceux du tourisme et du commerce ou les métiers scientifiques (où la majorité des échanges se font en anglais) [5]. S’appuyant sur les résultats de l’enquête Génération 2017, ce Céreq Bref se focalise sur l’apport de l’expérience d’un séjour à l’étranger au moment de l’insertion professionnelle dans les emplois de cadre. Pour les jeunes ayant réalisé leurs études en France et effectué leur plus long séjour à l’étranger dans l’enseignement supérieur, quelles sont les professions susceptibles de valoriser cette expérience ? La plus-value éventuellement conférée joue-t-elle avant tout pour l’accès au métier, ou se traduit-elle également par un meilleur salaire ?

Près de trois jeunes sur dix ont séjourné à l’étranger pendant leurs études supérieures

Parmi les sortants de l’enseignement supérieur en 2017, un peu plus de 48 % (soit 209 000 jeunes) sont partis à l’étranger pendant leurs études et 29 % à plusieurs reprises. Pour autant, une part non négligeable des séjours intervient pendant les années de collège ou de lycée, et seuls 28 % des sortants sont partis à l’étranger au cours de leurs études supérieures – un tiers des diplômés mais seulement 8,5 % de ceux ayant échoué à obtenir un diplôme du supérieur. 

L’opportunité d’un séjour dépend du niveau, du domaine et de l’établissement d’études. Ainsi, elle s’accroît avec le niveau d’études, est plus courante dans les filières littéraires et de spécialités tertiaires à partir de la licence et culmine au sein des grandes écoles où les trois quarts des étudiants s’en saisissent (voir encadré 2). Les séjours dans le supérieur ont des durées significatives (6 mois en moyenne) et pour plus de la moitié d’entre eux interviennent lors de la dernière année d’études. Si un peu plus d’un tiers des séjours sont intégrés à un programme d’études, cette proportion varie fortement en fonction du cursus (voir encadré 2). Par ailleurs, 37 % des séjours profitent d’un financement, principalement d’origine publique (programme de l’UE, collectivité territoriale…). Témoignant de l’attractivité de leurs universités mais aussi de l’importance accordée à la maitrise de cette langue pour nombre de familles et d’étudiants [En comptant le Canada, dont les habitants de la province du Québec parlent français mais qu’on ne peut distinguer dans l’enquête. Notons que 40 %, c’est plus de deux fois la part de la population mondiale communiquant en anglais (18,2 %).], les pays anglophones accueillent 40 % des jeunes en séjour. Ces conditions rendent tangible l’intérêt de cette expérience pour les employeurs.

 

Le rôle du séjour à l’étranger dans l’accès à l’emploi de cadre

Aux dires des enquêtés qui en ont fait l’expérience, ce séjour à l’étranger a facilité l’accès à l’emploi pour 63 % d’entre eux, sentiment plus minoritaire (45 %) parmi la fraction ayant quitté l’enseignement supérieur sans obtenir de diplôme. Cette appréciation plutôt positive est-elle pour autant partagée au sein des 10 professions les plus couramment associées à des postes de cadres ? (voir encadré 3). 

Parmi ces professions, les plus convaincus de l’avantage procuré par le séjour sont les cadres commerciaux et technico-commerciaux, les cadres des services administratifs, comptables et financiers, les cadres d’études et de recherche, les professionnels de la communication et de l’information dont les trois-quarts expriment ce sentiment. On retrouve ici des professions qui peuvent être tournées vers l’international, le tourisme ou les activités médiatiques, laissant présumer que la connaissance d’une langue ou d’une culture étrangère constitue un atout pour les exercer. À l’inverse, les détenteurs de diplômes dédiés à des professions spécifiques, comme les professions médicales, minorent le lien entre le séjour à l’étranger et leur insertion. 

La proportion de jeunes partis à l’étranger pendant leurs études supérieures recrutés dans une profession (par rapport à la moyenne de 28 % parmi l’en- semble des sortants) représente un autre indice de l’attrait des employeurs à cet égard. 

Ainsi, plus de 59 % des jeunes recrutés comme cadres commerciaux et technico-commerciaux ou comme cadres d’études et de recherche, et la moitié des cadres des services administratifs et financiers, ont connu cette expérience, en cohérence avec leur ressenti positif sur le lien entre séjour et accès à l’emploi. Cependant, ce décompte, reflet supposé de l’importance du séjour pour la profession, ne doit pas être surestimé. La forte présence de cette expérience parmi les jeunes recrutés peut tenir en effet, non pas tant à une préférence élective de la profession pour cet attribut dans le CV, qu’au fait qu’elle puise dans des filières de formation où cette expérience est développée. Un score est ainsi calculé pour mesurer l’appétence de la profession pour le séjour à l’étranger au niveau de la sélection des candidats, c’est-à-dire au-delà de la préférence pour des filières de formations que peut exercer la profession, en privilégiant éventuellement celles où cette expérience est répandue (voir encadré 1). 

Le positionnement favorable du séjour se confirme pour les cadres commerciaux et technico-commerciaux, les cadres d’études et de recherche, les cadres du bâtiment et des travaux publics et les techniciens et cadres de l’agriculture avec des scores de 4,4 à 17 points qui soulignent le crédit accordé à cette expérience. En revanche, pour les ingénieurs et cadres techniques de l’industrie, la part de 60 % de jeunes recrutés partis à l’étranger pendant leurs études supérieures résulte essentiellement des formations utilisées comme viviers de recrutement (score d’appétence de 2,5). Cette expérience de séjour à l’international est largement partagée par les candidats à ces professions dont la moitié sont issus d’une école d’ingénieur et 21 % d’un master 2 scientifique. Les professionnels de la communication et de l’information forment le cinquième groupe à tirer parti de cette expérience. 

Les professionnels des arts et des spectacles semblent faire peu de cas de cette expérience au vu du score d’appétence (-0,5) et de la part de l’effectif recruté parti à l’étranger, proche de la moyenne de la cohorte. Pour autant, les deux tiers de ces derniers font le lien entre l’expérience du séjour et leur accès à l’emploi. 

Les ingénieurs de l’informatique sont aussi nombreux à affirmer ce lien (70 %) alors même qu’au vu du score d’appétence de la profession (-5,6), cette expérience n’est pas valorisée. La plupart s’insèrent, il est vrai, dans de bonnes conditions et le séjour, intégré à la formation pour 60 % des sortants d’écoles d’ingénieur, peut prêter à une confusion entre la rentabilité de leur formation pour décrocher un emploi et celle de l’expérience à l’étranger. De plus, ce séjour intervient plus massivement en dernière année du cursus pour ces professionnels (62 %), situation prédictive à la fois d’une meilleure valorisation salariale (cf. infra) et d’une plus grande employabilité [Comprise au sens de la durée effective passée en emploi sur la durée observée dans la vie active] sur les premières années de vie active [6].

 
 

Expérience de séjour à l’étranger et salaire

Qu’elle importe ou non au moment du recrutement, cette expérience a pu permettre l’acquisition de compétences spécifiques ou signaler des aptitudes particulières appréciées dans l’emploi et rémunérées en tant que telles. Par rapport aux salariés qui ne peuvent s’en prévaloir, les bénéficiaires d’un séjour connaissent un avantage salarial dans 7 familles professionnelles parmi les 10 étudiées. Le gain salarial est particulièrement favorable pour les professionnels des arts et des spectacles (21 %) et ceux de la communication et de l’information (20 %). Il convient maintenant d’examiner si le passage par un séjour à l’étranger est la véritable explication de ces plus-values salariales et non par exemple, le cursus d’études auquel ce séjour peut être associé, qui serait lui-même plus valorisé sur le marché du travail. 

À autres caractéristiques de formation et de parcours données, la prime salariale à l’embauche relative à un passage par l’étranger pendant ses études supérieures ne persiste que dans trois professions (voir encadré 3, dernière colonne). La valorisation est sensible – de l’ordre de 7 à 8 % – pour les cadres des services administratifs, comptables et financiers et les professionnels de la communication et de l’information, et tourne autour de 5 % pour les ingénieurs de l’informatique. Pour les cadres d’études et de recherche, l’incidence salariale nette du séjour s’avère positive (+4,3 %) mais ne se traduit pas par un différentiel salarial favorable à ceux partis à l’étranger. Ceci suggère que ces jeunes auraient d’autres caractéristiques de formation et de parcours moins avantageuses, annulant le bénéfice du séjour. A contrario, dans les professions des arts et spectacles ou des techniciens et cadres de l’agriculture, aux différentiels de salaire marqués entre ceux partis ou non à l’étranger, l’absence d’effet net du séjour signifie que ce sont d’autres traits des parcours de formation que la mobilité internationale qui concourent aux avantages bruts de salaires observés.

Quatre diplômés sur cinq tirent avantage de leur séjour à l’étranger

 Si l’on retient, comme critères décisifs d’appréciation de la portée professionnelle du séjour, son score d’appétence et la mesure de son impact salarial (issu des modélisations de salaire), les professions se répartissent en quatre groupes (voir encadré 3). Les professions les plus réceptives à cette expérience à la fois pour la sélection à l’embauche et en matière de reconnaissance salariale sont les cadres d’études et de recherche et les professionnels de la communication et de l’information. Deux familles professionnelles accordent un bonus salarial à cette expérience bien qu’elle ne joue pas ou négativement dans le processus de recrutement : les ingénieurs de l’informatique, les cadres des services administratifs, comptables et financiers. La prise en compte du séjour pour l’embauche mais sans contrepartie salariale concerne les cadres commerciaux, les cadres du bâtiment et les techniciens et cadres de l’agriculture. Les trois dernières familles professionnelles parmi lesquelles les ingénieurs et cadres techniques de l’industrie et les professionnels des arts et des spectacles s’avèrent, pour leur part, plus hermétiques à l’intérêt du séjour à l’étranger pour leur personnel.

Conclusion

Les séjours à l’étranger en cours d’études supérieures représentent des expériences hétérogènes – par leur motif, leur durée, leur destination… – et relèvent d’opportunités inégales entre les étudiants [7]. Malgré ces disparités, une focale sur les professions conduisant à des postes de cadres met en évidence que pour 7 d’entre elles parmi 10, cette expérience est reconnue au moment du recrutement et/ou dans la rémunération. C’est ainsi que 79 % des sortants du supérieur s’orientant dans ces professions pourraient tirer avantage de cette expérience dans leur transition vers la vie active. C’est davantage que dans d’autres professions moins qualifiées recrutant ces débutants sortant de l’enseignement supérieur, puisque 61 % des jeunes recrutés pourraient tirer bénéfice de leur séjour à l’étranger dans leur premier poste, à l’aune des 30 professions les plus attractives qui cumulent le plus fort volume d’embauches. Incidemment, ce chiffre rejoint presque celui de la part des jeunes qui témoignent de l’apport positif pour leur insertion de leur séjour à l’étranger. Ces résultats devraient renforcer l’intérêt du séjour à l’étranger au-delà des seuls bienfaits personnels attendus en matière d’élargissement culturel et de socialisation. Il plaide aussi pour une accentuation de son institutionnalisation dans les formations du supérieur, et pour la mise en place de dispositifs de soutien spécifique auprès des étudiants manquant de ressources économiques pour profiter de cette opportunité – enjeu d’inclusion au cœur des objectifs du programme Erasmus+ pour la période 2021-2027.

En savoir plus

[1] La mobilité étudiante dans le monde – Chiffres clés, Campus France, 2024. 

[2] Jackson J., Howard M., Schwi- eter J.W., Developmental perspectives and linguistic outcomes of education abroad, (Chap.6) in Anthony C. Ogden, Bernhard Streitwieser, Christof Van Mol (Eds.) Education Abroad. Bridg- ing scholarship and practice. Routledge, London, 2020. 

[3] Haas, B. W., "The impact of study abroad on improved cultural awareness: A quantitative review", Intercultural Education, 29(5-6), 571-588, 2018. 

[4] Chien Y. G., "Studying abroad in Britain: advantages and disadvantages", Journal of Research in International Education, 19(1), p. 69-83, 2020. 

[5] J-F. Giret, C. Guégnard, « La valorisation des langues étrangères sur le marché du travail français. Une analyse des offres d’emploi déposées sur Internet », Socio-Economie du Travail, 2018-2, 4, 83-118. 

[6] A. Dupray, « Les séjours à l’étranger en cours d’études : une portée sur l’insertion qui dépend de ses caractéristiques », Céreq Échanges n° 26, 113-128, 2024. 

[7] A. Dupray, « Partir à l’étranger pendant ses études : une expérience encore très inégale », INJEP, Analyses & Synthèses, N° 84, 2025

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