Ouvrages en co-édition, Mars 2022, 4 p.

Note ANCT - Que deviennent les jeunes des quartiers prioritaires de la ville après le bac ?

Publié le
8 Mars 2022

Les lycéens des quartiers prioritaires de la ville (QPV) font face à des difficultés spécifiques pour décrocher le bac et poursuivre des études supérieures. Mais au-delà des effets liés à leurs appartenances sociales, le fait de résider en quartier prioritaire a-t-il un impact propre sur leur parcours post-bac et leur insertion professionnelle ?

Dans une synthèse publiée par l'Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) à partir du Céreq Bref n°391, Thomas COUPPIE, Mélanie VIGNALE et Pascal DIEUSAERT répondent à cette question en comparant les jeunes bacheliers de QPV à leurs « voisins » (les jeunes urbains résidant hors QPV).

1er constat : une obtention du baccalauréat plus faible pour les lycéens résidant en QPV que pour leurs « voisins » (54% contre 77%)

2ème constat : une poursuite d’études globalement plus faible dans les QPV (38% contre 59%), mais, en raisonnant par filière, plus importante chez les bacheliers professionnels

Quelle explication concernant cette différence de comportement entre les jeunes bacheliers professionnels de QPV et ceux des quartiers voisins ? Est-ce une preuve de « l’effet quartier » ?

Thomas COUPPIE, Mélanie VIGNALEet Pascal DIEUSAERT évoquent trois pistes :

  • 1. « Les jeunes bacheliers professionnels des QPV pourraient davantage poursuivre leurs études en raison d’une insatisfaction plus prégnante à l’égard de leur orientation à l’entrée du lycée : à niveau de compétences comparables, les jeunes des catégories sociales les plus défavorisées sont plus facilement orientés vers des filières professionnelles. »
  • 2. « A l’instar des jeunes issus de l’immigration, les jeunes des QPV confrontés à des difficultés d’accès aux stages et aux contrats d’apprentissage investiraient par compensation davantage l’enseignement supérieur pour mieux s’armer lors de leur future entrée sur le marché du travail. »
  • 3. « L’attirance plus marquée pour les études supérieures des bacheliers professionnels de ces quartiers revêtirait un enjeu symbolique signalant la forte espérance d’ascension sociale des enfants d’ouvriers ou des jeunes issus de l’immigration, surreprésentés dans les QPV. » Il est certain que « ce ne sont donc pas uniquement les origines sociales et migratoires qui expliquent cette différence mais bien aussi un effet propre à la résidence dans un QPV au moment du bac ».

3ème constat : une orientation vers des filières moins sélectives comme l’Université

Quelles explications ?

« Cela peut résulter à la fois du niveau scolaire en moyenne plus faible de ces jeunes scolarisés dans des établissements « défavorisés » ou, comme pour les jeunes issus de l’immigration , d’une forme d’autocensure, d’une information partielle sur la palette des formations possibles [...], ou encore d’un effet de coût des mobilités pour ces jeunes (les formations les plus sélectives, plus concentrées sur le territoire, étant globalement moins accessibles géographiquement). »

Quelles conséquences ?

« La formation des jeunes des QPV (bac plus souvent professionnel ou technologique que général) les prépare moins bien aux formations générales que sont les licences. En outre, il semblerait que les titulaires d’un bac professionnel qui s’inscrivent en première année universitaire soient souvent ceux ayant le moins bon niveau et n‘ayant pas été retenus pour poursuivre une filière sélective, par exemple en STS. »

4ème constat : des sorties de l’enseignement supérieur sans diplôme plus fréquentes (34% contre 20%)

« Les caractéristiques des populations vivant en QPV contribuent à ces taux d’échec plus importants. Cependant, à sexe, origines sociales ou migratoires égales comme à filières de bac identiques, les jeunes issus de QPV échouent systématiquement davantage dans le supérieur que les autres bacheliers des unités urbaines, en particulier les femmes et les bacheliers professionnels et dans les filières universitaires où le taux d’encadrement et les modalités pédagogiques sont les plus éloignés du modèle lycéen. »

5ème constat : le fait de résider en QPV au moment du bac réduit significativement les chances d’atteindre un niveau de diplôme supérieur à bac +2 (25% contre 47%)

« Comme illustration de cet effet quartier, il apparaît que mettre un terme à ses études à un niveau bac+2 à bac+4 relève plus souvent de motifs contraints pour les bacheliers de QPV : ces derniers sont plus nombreux à déclarer avoir arrêté par contrainte, notamment financière (35%, contre 23% dans les AQUUE), du fait d’un refus dans la formation demandée (12 % contre 10 %) ou de l’absence de la formation visée à proximité (12% contre 7%). »

6ème constat : des trajectoires professionnelles moins linéaires et des emplois moins qualifiés

« Trois ans après leur sortie de formation initiale, 53% sont ainsi cadres ou professions intermédiaires, contre 63% de leurs « voisins ». À l’inverse, ils sont plus souvent employés ou ouvriers (45% contre 35%). »

 

Pour conclure, « à caractéristiques individuelles des jeunes égales, notamment à diplôme égal, l’effet attribuable au lieu de résidence en QPV au moment du bac s’avère d’ampleur relativement limitée sur les conditions d’accès à l’emploi. C’est surtout le niveau de diplôme atteint qui pèse sur l’insertion professionnelle. Or, ce dernier est lui-même le produit du parcours d’études qu’il couronne, parcours fortement conditionné à ses différentes étapes par le fait de résider, au moment du bac, en QPV. »

Citer cette publication

Couppié Thomas, Vignale Mélanie, Note ANCT - Que deviennent les jeunes des quartiers prioritaires de la ville après le bac ?, Ouvrages en co-édition, 2022, 4 p. https://www.cereq.fr/node/10244/printable/print

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