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Point sur : Le Céreq Evaluateur, l’œil dans le rétro. Mise en contexte de 50 ans de travaux d’évaluation

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L’anniversaire des 50 ans du Céreq invite à un retour sur le passé.
• Le sens de cette rétrospective est de montrer comment les travaux d’évaluation du Centre sont influencés par l’environnement institutionnel et politique, en particulier par l’évolution des politiques éducatives, de l’emploi, de formation professionnelle, de la planification et de la réforme de l’Etat.
•  Cette rétrospective est bâtie sur l’illustration. Elle ne cherche pas à recenser tous les travaux réalisés par le Centre. Le principe de sélection est celui de considérer qu’« il n’y a d’évaluation que de dispositifs publics ».
Lorsqu’on porte le regard sur l’ensemble, une première évidence apparait : le Céreq ne se définit pas a priori évaluateur. La grande diversité de ses activités lui permette d'intervenir sur de multiples registres d'expertise venant alimenter des processus d'évaluation de nature diverse.

Si on met en regard les données de contexte et les travaux réalisés, l’histoire du Céreq évaluateur peut se résumer à grandes 5 grandes périodes. Une publication (Céreq Etudes) et une frise chronologique en donnent une vision synthétique.

Cette frise chronologique interactive retrace de très nombreux événements. Vous pouvez passer en grand écran et choisir votre échelle de temps par un cliquer/glisser. Zoomer sur la période qui vous intéresse. Vous pouvez également filtrez votre recherche grâce aux pastilles de couleurs.
Conception : Claudine ROMANI, réalisation web : Michel STOESZ

Une histoire en 5 grandes périodes :

De 1971 à 1974, les années fondatrices où le métier est davantage celui de prévisionniste que d’évaluateur.
De 1974 à 1985, une décennie dédiée à la description des emplois et des compétences plus qu’à les évaluer.
De 1985 à 2001, s’ouvre alors une période de quinze ans où il s’agira essentiellement d’évaluer la décentralisation de la formation professionnelle et la politique des contrats aidés.
De 2002 à 2012, « une action une évaluation » credo du nouveau management public.
De 2012 à 2017, les années Hollande avec un changement de cap et l’avènement de l’évaluation partenariale et des diagnostics partagés.

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De 1971 à 1974, les années fondatrices où le métier est davantage celui de prévisionniste que d’évaluateur

On rappelle que le Céreq est créé à la fin des Trente glorieuses, et qu’une des 3 missions qui lui sont confiées est explicitement d’évaluer les transformations des qualifications dues à l’évolution des techniques 1 . Inscrite dans son ADN dès sa création, cette fonction d’évaluation se transformera dans le temps en fonction de l’évolution des politiques publiques.
• Au départ cette mission d’évaluation suit les problématiques de l’époque. L’évolution technologique s’accélère et la question de l’élévation du niveau de qualification de la population active devient centrale. Dans le cadre du 6ème Plan, le Céreq va réaliser une étude prospective des besoins en formation des 200 000 jeunes quittant chaque année leur scolarité à 16 ans sans avoir eu de formation. D’autres études notamment sectorielles (chimie, mécanique) viennent aussi alimenter les réflexions des prévisionnistes sur l’évolution des qualifications.
• C’est la période où se met en place la préfiguration du RFE (répertoire français des emplois) avec une première recherche expérimentale sur la qualification des emplois conduite à partir d’une méthode alternative à celle des gestionnaires, estimée trop orientée par une conception taylorienne de la division du travail et des postes.
• Enfin, le Centre est chargé en 1972 de la gestion de la nouvelle base dite des 2483 issue de la loi de 1971 sur la formation professionnelle qui porte obligation légale de dépense pour les entreprises. Le bilan annuel présenté par le Céreq est attendu par les décideurs et permet d’évaluer les effets de la réforme et d’en faire le suivi.

De 1974 à 1985, une décennie dédiée à la description des emplois et des compétences plus qu’à les évaluer

• En 1975, l’opération du RFE est lancée sur grande échelle. Elle va durer une dizaine d’années, avec de nombreuses embauches et l’appui opérationnel d’équipes de 8 centres interrégionaux implantés dans des universités.
• A côté de ce chantier mobilisateur, d’autres travaux d’évaluation prennent vie. Au début des années Mitterrand, le premier gouvernement Mauroy relance les conquêtes sociales et sociétales. (semaine de 39h, 5eme semaine de CP, abolition de la peine de mort), et accélère la décentralisation et la déconcentration de l’Etat et la réforme de la planification avec les lois Deferre de 83 à 85 ; les Plans régionaux entre Etat et régions sont créés avec néanmoins subsistance d’un 8ème Plan national centré sur la lutte contre l’inflation.
Fin 1981, c’est aussi la remise du rapport Bertrand Schwartz pour lutter contre le chômage des jeunes, suivi deux ans plus tard de la création des Missions Locales et dès 1984, on fait appel au Céreq pour évaluer les dispositifs de stages d’insertion et de qualification en faveur des jeunes.
• Du côté de la formation continue, les EDDF créés en 1984 sont un dispositif important de la politique contractuelle des partenaires sociaux et cible les pratiques de formation des PME. Le Céreq sera chargé d’évaluer les effets de cette mesure. Cette évaluation comporte un volet statistique et des études de cas, s’appuyant sur le panel d’entreprises de Poete, le programme d’observation de l’emploi et du travail en entreprise. C’est l’apogée des enquêtes dites intermédiaires, à la suite du RFE, une voie alternative que cherche le Céreq entre enquête statistiques et enquête de nature qualitative.
Fin 1984, le virage de l’austérité est pris par le gouvernement Fabius ; 1985 va être une année charnière à bien des égards.

De 1985 à 2001, s’ouvre alors une période de quinze ans où il s’agira essentiellement d’évaluer la décentralisation de la formation professionnelle et la politique des contrats aidés

En une quinzaine d’années, l’économie française mute. C’est aussi une période d’instabilité politique où l’on découvre le régime de cohabitation. L’objectif de réduction des déficits conduit à l’émergence d’une culture de l’évaluation.
• Avec l’abandon du Xème Plan, la planification est enterrée. En 1993 la loi quinquennale du gouvernement d’E. Balladur inaugure l’ère des lois programmatiques. Nouvelle étape de la décentralisation, son article 53 prévoie d’évaluer tous les 3 ans les politiques régionales de formation professionnelle. Cette évaluation est confiée à une instance tripartite rassemblant Etat, les 26 régions et les partenaires sociaux. Le Céreq sera choisi en 1994 par cette instance pour produire les matériaux pour l’évaluation, tâche qu’il assumera jusqu’en 2001.
Dans ce cadre, le Céreq doit animer un GSE (groupe inter administratif de SSM) pour produire des portraits statistiques régionaux et il doit réaliser 26 monographies régionales sur les conditions de mise en œuvre, avec l’accord des Conseils régionaux. Or au départ, les Régions de France sont relativement hostiles à cette évaluation qu’elles jugent venir « d’en haut », puisqu’elle est confiée à une instance PM (Premier Ministre) et que le Céreq est un organisme sous double tutelle.
Les Régions voient aussi d’un mauvais d’œil l’arrivée d’outils statistiques permettant de les comparer entre elles, leur crainte étant d’aboutir à un palmarès des régions. Après négociation, leur accord a été gagné, avec cependant un prix à payer : les monographies régionales doivent rester non publiables, seule la synthèse des monographies pouvant l’être. Pour les équipes du Céreq, cela a été un sujet de frustration et de mise en débat des processus d’évaluation, réflexions néanmoins utiles pour forger une posture pour l’avenir.
A côté de ce chantier de taille, le Céreq est impliqué dans d’autres évaluations, celle des contrats de qualification à partir de 1990 puis celle des contrats aidés grâce à l’enquête dite « panel téléphonique ». Il participera aussi dès 1998 à l’évaluation des emplois jeunes.
Les années ‘90 c’est aussi un virage important dans les politiques éducatives avec l’impératif de réformer la voie professionnelle tant au plan national qu’international comme en témoigne de programme VOTEC l’OCDE mené en partenariat avec les pays membres. Le Céreq y conduira des études sur l’alternance et l’apprentissage éclairant l’action publique dans ce domaine, et continuera aussi à évaluer l’usage des diplômes, en 1998 les diplômes de niveau V (Cap, Bep), ou Bac pro restauration.

De 2002 à 2012, « une action une évaluation » credo du nouveau management public

La fin du gouvernement Jospin en 2002 signe le dernier épisode de cohabitation en France. Jusqu’à la fin du mandat de Sarkozy en 2012 s’ouvre alors une décennie dominée par le Nouveau Management Public (NMP) avec en 2007 la RGPP qui renforce la LOLF de 2001 : fini le système trop couteux des lois généralisant des dispositifs sur le tout territoire, c’est l’arrivée des expérimentations sociales, donnant lieu à une généralisation qu’à condition que leur évaluation en démontre l’efficacité.
En parallèle, les émeutes urbaines de 2005 conduisent le gouvernement à prendre des mesures de soutien en faveur de la jeunesse. Va être créée le Fonds d’expérimentations pour la Jeunesse (FEJ). Porteurs de projet et évaluateurs forment le binôme de l’expérimentation. Le conseil scientifique qui l’assiste préconise pour évaluer les expérimentations la méthode de l’essai randomisé contrôlé, dans le cadre d’une évaluation d’impact inspirés des travaux d’Esther Duflo.
Une première vague d’appel à projets est lancée en 2009 sur trois thématiques : l’orientation scolaire et professionnelle, thème de capitalisation depuis 2005 pour le Céreq ; la lutte contre le décrochage scolaire ; l’aide à l’insertion des jeunes.
Mais l’acceptation sociale d’une évaluation randomisée est loin d’être acquise. Face aux oppositions qu’elle soulève, le cadre méthodologique sera assoupli et le Céreq jouera un rôle important lors de cette phase de redéfinition des méthodes. Au total, le Céreq sera sélectionné pour une trentaine d’évaluations donnant lieu à de nombreuses publications.
Du côté de la formation continue, le champ est traversé par une série de réforme structurelle loi de 2004 puis de 2009. Les enquêtes du DFC renseigne les pouvoirs publics sur l’usage des dispositifs par les entreprises (dont le DIF), sur l’évolution de leurs pratiques de formation et sur le rôle des organismes collecteurs.

De 2012 à 2017, les années Hollande avec un changement de cap et l’avènement de l’évaluation partenariale et des diagnostics partagés

En 2012, la RGPP et la doctrine du NMP sont abandonnées au profit de la MAP, (Modernisation de l’action publique) qui prône les diagnostics partagés pour définir des plans d’action.  
En parallèle, la loi de 2013 pour une refondation de l’école de la République fait du décrochage scolaire une priorité du quinquennat. Le Céreq va participer pendant trois ans aux travaux du plan national de lutte contre le décrochage.
A la suite, le Centre sera sollicité en 2014 pour une évaluation d’un projet expérimental européen baptisé TITA (Training Innovative Tools and Actions), visant à outiller les équipes pluri-catégorielles de prévention dans les établissements du secondaire. A noter la publication en 2016 de l’atlas des risques sociaux d’échec scolaire, mis au point par le CAR de Caen, devenu depuis lors un instrument précieux pour les acteurs de la politique académique.
En parallèle, la loi de 2015 - dite loi NOTRe - revient sur l’organisation territoriale de la République initiée en 2003 et la loi de 2014 réforme le champ de la formation professionnelle. Désormais, la Région coordonne les acteurs du service public de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle. Sur fond de crise économique, cette nouvelle réforme vise la sécurisation des parcours. Plusieurs dispositifs font leur apparition : le CPF à la place du DIF ; le CEP ; l’entretien professionnel ; le SPRO. Le Céreq contribuera largement à l’évaluation de ces nouveaux dispositifs. Enfin, sera réalisée une évaluation d’impact des formations diplômantes mises en place par la Région Sud dont les résultats sont publiés en 2017.
 

En guise de conclusion

Cette rétrospective permet de rappeler :
- le rôle central du réseau des Centres associés régionaux (CAR) dans la réalisation des travaux d’évaluation ;
-  la richesse et la variété de l’activité évaluatrice du Céreq, ayant permis de mettre au point de nombreux dispositifs d’observation et d'approches méthodologiques pour la réalisation d’une multitude d’enquêtes de terrain.
- la marque de fabrique du Céreq Evaluateur, créateur d’alternatives et intégrateur de méthodes.

 

Bibliographie

 

  • 1 Les deux autres missions : analyse des postes de travail et des métiers ; étudier l’adaptation des formations et méthodes d’enseignement en fonction des besoins.

Citer cet article

Point sur : Le Céreq Evaluateur, l’œil dans le rétro. Mise en contexte de 50 ans de travaux d’évaluation, https://www.cereq.fr/node/10276/printable/print

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