Céreq Bref, n° 384, Décembre 2019, 4 p.

Dis-moi quel poste tu occupes,  je te dirai quelle formation tu suis

Publié le
19 Décembre 2019

La loi du 5 septembre 2018 fait de la montée en compétences des salariés et de la sécurisation des parcours professionnels un enjeu central. La formation organisée est un outil majeur pour y répondre. Pour autant, celle-ci ne constitue pas un ensemble homogène. L’enquête Defis, à travers l’analyse des intitulés de formation, nous renseigne pour la première fois sur le contenu de près de 6 millions de formations suivies entre janvier 2014 et juin 2015 par les salariés, et offre un regard inédit sur les logiques de recours à la formation dans les entreprises.

Par delà les inégalités d’accès régulièrement observées, toutes les formations se valent-elles ? Quels types de formation suivent quels actifs ? Pour répondre à ces interrogations, l’enquête Defis regroupe les près de 6 millions de formations suivies entre janvier 2014 et juin 2015 en 35 familles, puis en 4 grands domaines : les formations spécifiques aux métiers, celles à caractère transversal, les habilitations nécessaires à l’exercice d’un métier, les formations liées à l’obligation de maintien de l’hygiène et de la sécurité sur les postes de travail. Ce répertoire permet de porter un nouveau regard sur l’accès des actifs à la formation (cf. encadré Méthodologie): quelle est leur catégorie socio-professionnelle et leur positionnement dans l’entreprise? Jugent-ils les formations suivies utiles pour exercer leur métier, pour en changer ou pour évoluer dans la hiérarchie de l’entreprise? Celles-ci sont-elles diplômantes ou certifiantes? Quel est l’impact de l’évolution de la réglementation dans leur développement? Quels sont les secteurs d’activité et les types d’entreprises qui les mettent en œuvre? à défaut de décrire les 35 familles de formations répertoriées, cette présentation s’attache à mettre en exergue le lien étroit entre contenu des formations et qualification du poste de ceux qui les suivent.

Méthodologie
Initié par le CNEFP et financé par France compétences, le Dispositif d’enquêtes sur les formations et itinéraires des salariés (Defis) est réalisé par le Céreq. Il interroge les salariés sur les intitulés des formations à visée professionnelle qu’ils ont suivies, dans le cadre d’un emploi ou du chômage. Les intitulés de formation déclarés par les salariés sont notés en clair. A chaque formation déclarée, correspond un intitulé de formation. La première vague « salariés » de l’enquête Defis permet de caractériser près de 6 millions de formations suivies entre janvier 2014 et juin 2015 par l’ensemble des salariés présents en entreprise en décembre 2013, qu’ils soient restés les 18 mois suivants dans leur entreprise initiale, qu’ils aient changé d’entreprise ou qu’ils aient basculé dans une situation de recherche d’emploi. La codification et le classement de ces intitulés (cf. supplément numérique) ont abouti à distinguer 35 familles de formation, regroupées par la suite au sein de 4 grands domaines : les formations spécifiques aux métiers, celles à caractère transversal, les habilitations nécessaires à l’exercice d’un métier, les formations liées à l’obligation de maintien de l’hygiène et de la sécurité.

Téléchargez le supplément numérique pour accéder à des données exhaustives :

 

 

Pour les cadres, des formations en lien avec l’évolution de leur métier ou de leur carrière

Les formations aux métiers de la banque, au management ou encore à l’intégration des normes qualité sont suivies essentiellement par les cadres. Elles visent à s’adapter aux évolutions réglementaires, juridiques ou normatives de leur métier, et servent également les évolutions hiérarchiques. Les formations bancaires sont ainsi largement (40%) suivies par des cadres occupant des fonctions de gestion, comptabilité, commerciales ou technico-commerciales. Près du tiers d’entre elles sont obligatoires et réglementaires, et visent à permettre à ces salariés de se conformer aux évolutions du cadre légal, social et fiscal de leurs fonctions et aux nouvelles réglementations du secteur : habilitations bancaires, formations obligatoires à la lutte contre le blanchiment (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins ou «Tracfin»), actualité fiscale, etc. Si ces formations sont réalisées à 93% dans le cadre du travail et déclarées à 92% utiles par les salariés pour exercer le même métier, elles sont plus fréquemment jugées utiles pour une évolution hiérarchique (52% contre 39% pour l’ensemble des formations). Une majorité d’entre elles (73%) sont suivies par des salariés évoluant dans des entreprises de 500 salariés ou plus, et dans les secteurs des activités immobilières, financières, et d’assurance (52% des formations).

Cette même logique d’adaptation à l’évolution du métier s’observe aussi pour d’autres formations métiers comme celles dédiées au droit. Mais on la retrouve également pour des formations à caractère plus transversal comme celles consacrées au management («manager», «gestion de projet» ou encore «gestion d’équipe», etc.), qui représentent 8% de l’ensemble. Réalisées dans le cadre du travail (92%), les deux tiers de ces formations sont déclarées utiles pour une évolution hiérarchique au sein de l’entreprise et ne visent pas une mobilité externe : elles ne sont pas liées à une volonté de changer de métier, de trouver un emploi etc. Majoritairement suivies par des cadres (54%), elles sont aussi parmi les plus longues : 111 heures en moyenne. Leur durée médiane de 18 heures indique cependant des temps de formations très disparates. Elles sont suivies par les salariés de tous secteurs d’activités, et seule la taille de l’entreprise semble imprimer sa marque: elles sont d’autant plus fréquentes que celle-ci augmente.

Les cadres se forment également largement à l’intégration de normes qualité dans le management et dans les process de production (formations suivies respectivement à 50% et 47% par des cadres). Les formations «process» représentent 3% des formations suivies («amélioration continue», «bonnes pratiques de production», «gestion de production» etc). Celles liées au respect des normes de production représentent 2% de l’ensemble («iso 22000», «nf», «nouvelle norme», «ute c185110», etc). Ces formations concernent les postes les plus qualifiés, et sont de type obligatoire ou réglementaire pour respectivement 55% et 7% d’entre elles. Elles ont des durées relativement courtes et homogènes : 69 heures en moyenne pour les formations aux normes, 35 heures pour celles concernant les process. Plus de la moitié des formations aux normes sont liées à des évolutions dans l’emploi (54%) et les salariés formés exclusivement à ce domaine déclarent plus fréquemment (54%) que c’est pour prendre davantage de responsabilités. Les salariés ayant suivi exclusivement des formations aux process déclarent l’avoir fait pour accompagner les changements dans le cadre de nouvelles tâches. On peut noter que 45% des formations aux normes débouchent sur une certification de branche ou un certificat de qualification professionnelle (CQP), contre seulement 8% de l’ensemble des formations.

Autres formations à caractère transversal, celles aux langues étrangères sont de façon majoritaire, et davantage que l’ensemble des formations, jugées utiles pour exercer un nouveau métier ou accéder à une position hiérarchique plus élevée. Dédiées à 82% à l’anglais, ces formations sont les plus longues (226 heures en moyenne;médiane de 42 heures) et concernent davantage les salariés occupant les postes les plus qualifiés : une sur deux est suivie par des cadres (contre 4% par des ouvriers). Lorsque les salariés ne suivent que ce type de formations, ces dernières sont moins souvent en lien avec l’activité de travail exercée, moins fréquemment imposées, plus souvent suivies en ligne.

Pour les ouvriers, les employés et les techniciens, des formations pour faire face aux évolutions techniques...

Les formations aux techniques et métiers de l’industrie et du bâtiment sont suivies pour la moitié d’entre elles par des ouvriers dans des fonctions de production, de chantier, d’exploitation ou d’installation, de réparation et de maintenance. On y trouve les formations à la mécanique et à l’utilisation de machines de l’industrie (fraiseuse, tour), les formations spécifiques aux métiers de l’industrie (soudure, chaufferie, thermique, hydraulique) ainsi que des formations diplômantes aux métiers du bâtiment : couverture, plomberie, climatisation, etc. Une partie de ces formations vise à se conformer à la réglementation, 20% d’entre elles étant de nature obligatoire ou réglementaire (dont relève un tiers de l’ensemble des formations).

Ces formations sont soit des courts modules d’actualisation ou de prise en main de techniques, machines ou outils, soit des formations plus longues et certifiantes de type «génie civil» ou «couverture», qui contribuent à faire des durées de formation un ensemble peu homogène : la durée moyenne est de 100 heures quand la durée médiane est de 18 heures. Dans plus de 9 cas sur 10 elles sont réalisées dans le cadre du travail.

Autre formations métiers, celles à la comptabilité qui représentent 2 % de l’ensemble. Elles se composent de formations générales (« la comptabilité niveau 2 », « comptabilité », « logiciel de comptabilité ») et de formations plus spécifiques (« facturation », « gestionnaire de paye », « relance de devis », « remboursement » etc.). Elles sont suivies plus souvent par des salariés sur des postes de techniciens (39 %) ou d’employés (33 %), dans des fonctions de secrétariat, de saisie, d’accueil (14 %) ou de gestion comptabilité (40 %). Ces formations sont réalisées dans plus de 9 cas sur 10 dans le cadre du travail.

Les salariés occupant les postes les moins qualifiés sont également concernés par des formations à caractère plus transversal. Par exemple, celles relatives à la mise en œuvre des démarches qualité (aux intitulés de type «qualité» ou «conformité», 1% de l’ensemble) sont suivies pour près de la moitié par des ouvriers. Elles sont pour 39% d’entre elles de type obligatoire, et de durée relativement courte (41 heures en moyenne). On peut noter que 17% des formations à la qualité débouchent sur une certification de branche ou un CQP, contre seulement 8% de l’ensemble des formations.

...ou pour changer de métier et se diriger vers le paramédical, l’aide à la personne ou la sécurité

Près d’un tiers des formations au paramédical et à l’aide à la personne ne sont pas réalisées dans le cadre du travail (contre 9 % pour l’ensemble des formations), et 10 % sont suivies dans le cadre du chômage (contre 4 % pour l’ensemble). En outre, les salariés suivant ces formations sont 41 % à déclarer vouloir changer de métier. Plus souvent suivies par des techniciens ou des employés, ces formations représentent 2 % de l’ensemble, et s’intitulent par exemple « bientraitance du patient », « fauteuil roulant », « dépendance », « fin de vie » etc. Certaines d’entre elles ont des durées plutôt longues et sont probablement suivies en vue d’une reconversion : formations d’auxiliaire de puériculture, d’aide-soignant ou encore d’assistant de vie.

Les formations aux techniques et aux métiers de la sécurité sont également plus fréquemment que les autres réalisées dans le cadre du chômage pour accéder à un nouvel emploi : 25% des salariés en décembre 2013 n’ayant suivi que ce type de formations disent l’avoir fait pour changer de métier. Celles-ci sont en majorité de type obligatoire ou réglementaire (services de sécurité incendie et d’assistance à personnes : «SSIAP», «maniement d’arme», «gardien de la paix», «vidéosurveillance», «vigilance», «vols»).

Répartition des familles de formations : catégorie socio-professionnelle de ceux qui les suivent le plus et part des formations obligatoires

Des habilitations nécessaires à l’exercice de certains métiers : une voie d’accès possible à l’emploi pour les chômeurs

Certaines formations règlementaires, très marquées par l’empreinte du métier, préparent à des habilitations nécessaires à l’exercice de ce dernier. Elles représentent 14% de l’ensemble des formations suivies.

L’enjeu des formations aux CACES ou permis sont l’accès ou le maintien de l’emploi. Elles représentent 8% des formations, et 4% des salariés ont suivi au moins l’une d’entre elles. Ces formations, obligatoires et objets de recyclages réguliers, ont des durées relativement faibles : 28 heures en moyenne (18 heures de durée médiane). Fortement liées aux postes de travail, ce sont aussi des formations d’accès à l’emploi. En effet, 33% des salariés n’ayant suivi que ce type de formation déclarent qu’elle leur a été utile pour changer de métier, 29% déclarent l’avoir suivie pour trouver un emploi, et 24% pour éviter de le perdre. Ces formations «CACES et permis» concernent pour 77% les salariés sur des postes d’ouvriers. Lorsqu’elles sont réalisées dans le cadre de l’entreprise, elles concernent plus fréquemment les salariés des petites structures, et les secteurs des transports et de l’entreposage (29% des formations) ainsi que de la construction (20%). 

Dans ce domaine de formations on trouve également les habilitations électriques, ou celles qui regroupent les formations au maniement d’explosifs (habilitations pyrotechnie), au travail en hauteur, avec échafaudages, aux environnements spécifiques («amiante», «nucléaire», «travail sous pression», «rayonnement») ou encore aux habilitations «ascenseur». Elles attestent de la réalisation de l’activité conformément aux règles de sécurité pour les travailleurs et le produit fini. Chacun des deux types d’habilitations représente 3% de la formation. Les habilitations autres qu’électriques concernent les salariés occupant les postes les moins qualifiés (53% de ces formations sont suivies par des ouvriers), les habilitations électriques concernent davantage les techniciens (41%) et les ouvriers (31%). Les deux types d’habilitations concernent les salariés des entreprises de toutes tailles. Elles sont par essence réalisées exclusivement dans le cadre du travail, généralement pour des tâches déjà effectuées, et ne visent pas d’évolution hiérarchique. Correspondant à des modules de recyclages courts, leurs durées sont parmi les plus faibles:14 heures en moyenne pour les formations aux habilitations électriques et 25 heures pour les autres.

Une diversité de profils de salariés dans les formations liées à la transition écologique et numérique

Les formations écologiques ou aux métiers dits «verts» relèvent de deux types : d’une part, celles  liées au secteur de l’agriculture («apiculture», «exploitation agricole», «orge», «paysagiste», «vendange») ; d’autre part des formations qui relèvent de la mise en conformité avec le développement d’obligations et de réglementations écologiques («déchets» ou «pollution»). Ces formations ont des durées relativement disparates, une moyenne élevée de 107 heures et une médiane de 14 heures, les deux types de formations qui constituent cette famille expliquant cette hétérogénéité. D’une part, on trouve des formations longues et diplômantes liées au secteur de l’agriculture, plus fréquemment associées à des évolutions dans l’emploi qu’à l’adaptation aux postes de travail. Ainsi plus du tiers des salariés n’ayant suivi que ce type de formation déclare avoir comme objectif de trouver un emploi (contre 10% pour l’ensemble des salariés). D’autre part, on repère des formations plus courtes (modules complémentaires de mise en conformité avec la réglementation) et touchant différents secteurs d’activité («Gestion des déchets», «traitement de l’eau» etc.). Ces formations sont plus souvent qu’en moyenne suivies pour accompagner un changement, une évolution du métier liés notamment au verdissement des activités:61% des salariés n’ayant suivi que ce type de formation déclarent l’avoir fait dans le but d’accompagner des changements (contre 48% de l’ensemble des salariés formés).

à l’inverse, les formations liées à la transition numérique sont réalisées principalement dans le cadre du travail et ne sont pas spécifiquement en lien avec une éventuelle évolution hiérarchique ou l’exercice d’un nouveau métier. Ces formations sont de nature diverse. Celles liées aux métiers de l’informatique et du digital concernent les salariés les plus qualifiés (formations «réseaux», «infrastructures», «serveur», «programmation», «bases de données», «big data», «android», «adsl», «fibre optique», etc.). On trouve également dans cet ensemble les formations aux logiciels liées à d’autres métiers ou fonctions (logiciel de calcul, d’architecture etc.). Enfin, les formations aux machines automatisées des métiers de l’industrie et du bâtiment, qui concernent les salariés souvent moins qualifiés sur des fonctions d’exécution, sont aussi répertoriées dans cet ensemble.

 

Que ce soit en termes de contenu, de durée ou d’objectifs poursuivis, toutes les formations ne se valent pas du point de vue des salariés : selon le niveau de qualification de leur poste, les formations suivies diffèrent lorsqu’il s’agit d’évoluer dans l’emploi, de se reconvertir ou de sécuriser son parcours. Ainsi, les formations aux métiers de la sécurité, celles de l’aide à la personne, celles liées à la transition écologique ou encore le Caces sont les formations les plus suivies par les salariés les moins qualifiés souhaitant se reconvertir ou accéder à un nouvel emploi. Pour répondre aux caractéristiques de ce public, s'orienter vers ce type de contenu pourrait devenir un enjeu de positionnement pour les organismes de formation. Reste à savoir si ces formations seront celles que les utilisateurs de l’application «mon compte formation » plébisciteront.

Pour en savoir plus

Citer cette publication

Dis-moi quel poste tu occupes,  je te dirai quelle formation tu suis, Céreq Bref, n° 384, 2019, 4 p. https://www.cereq.fr/node/9791/printable/print

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