Sous-traitance, CPF, Qualiopi : quels enjeux pour les organismes de formation depuis la réforme de 2018 ?
La loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a modifié le marché de l’offre de formation continue. Pour en rendre compte, l’enquête sur les transformations de l’offre de formation (ETOF), menée par le Céreq et la Dares entre 2022 et 2023 a été créée. Elle constitue la première enquête de grande ampleur réalisée auprès des organismes de formation sur leur activité et son évolution. Publics, financements, contenus, recours à la sous-traitance, certification Qualiopi... autant d'angles mis en lumière par ETOF.
Plusieurs réformes structurelles d’envergure ont modifié le paysage de la formation professionnelle continue ces dernières années. La plupart ont été initiées par la loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel : libéralisation de l’apprentissage, désintermédiation du compte personnel de formation (CPF), obligation de certification des organismes de formation pour bénéficier de fonds publics ou mutualisés, mise en place de France compétences et des opérateurs de compétences, etc. En outre, la crise sanitaire, en transformant au moins pour un temps les conditions de réalisation des formations, a été un autre moteur de changement, plus conjoncturel. Cette période a également vu émerger des plans de soutien à la formation des personnes en recherche d’emploi (plan d’investissement dans les compétences (PIC) dont le volet régional est porté par les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC)).
Ces nombreux changements n’ont pas été sans conséquence sur l’activité des organismes de formation (OF). Après une année 2020 marquée par le Covid, ces derniers ont enregistré une hausse très importante de leur chiffre d’affaires en 2021 (hors CFA*), qu’il s’agisse de leur activité principale ou d’une activité secondaire. Entre 2019 et 2021, il a progressé de 13 % pour atteindre un total de 19 milliards d’euros selon les bilans pédagogiques et financiers (BPF) [1]. Dans le même temps, le nombre d’organismes a augmenté de 12 % (79 012 OF), synonyme d’un fort dynamisme du secteur et potentiellement de transformations de l’offre sur le marché de la formation continue.
Les études récentes sur les organismes de formation reposent souvent sur des données administratives, principalement les BPF renseignés chaque année par les organismes de formation**. Cependant, ces sources ne permettent pas de mesurer tous les effets des changements selon le point de vue des organismes. Si quelques enquêtes ont été conduites par le passé, elles sont relativement anciennes (1994 et 2000), réalisées auprès d’un petit échantillon d’organismes et ne couvrant pas l’ensemble de l’offre. C'est pourquoi le Céreq et la Dares ont réalisé conjointement l'enquête sur les transformations de l'offre de formation (ETOF) entre 2022 et 2023 (cf Encart 1). Elle constitue la première enquête de grande ampleur réalisée auprès des organismes de formation sur leur activité et son évolution. Les données recueillies permettent de dresser un panorama complet du marché de l’offre de formation en 2021.
En France, le paysage de la formation professionnelle se compose d’une multitude d’organismes de formation répondant à des besoins variés (Encart 2). En 2021, le marché de l’offre de formation (hors CFA) est toujours dominé par les organismes privés à but lucratif, toutes tailles confondues, qui représentent 86 % de l’effectif total, 57 % du chiffre d’affaires total et 70 % du nombre total d’entrées en formation (Encart 3). Si leur part est globalement constante depuis plus de 20 ans, leur composition a évolué, du fait de l’augmentation du nombre de micro-OF (Encart 2) qui représentent 56 % de l’effectif total en 2021. En effet, 72 % des OF créés entre 2018 et 2021 sont des micro-OF.
Néanmoins, ces derniers ont souvent une durée de vie plus courte que les autres. Ainsi, près de deux tiers des organismes actifs en 2021 mais sans activité en 2022 et 2023, sont des micro-OF, signe de la difficulté de maintenir une activité sur ce marché. Même s’ils constituent plus de la moitié des organismes de formation en 2021, ils n’ont qu’un poids très faible dans le chiffre d’affaires total (8 %). À l’inverse, les autres OF privés à but lucratif, dont la moitié ont été créés il y a plus de 10 ans, représentent quasiment 50 % du chiffre d’affaires total et accueillent la majorité des entrées en formation (58 %). Les organismes privés à but non lucratif (associations), dont la moitié ont plus de 20 ans d’ancienneté, composent 13 % de l’effectif total et 21 % du chiffre d’affaires global. Enfin, généralement de plus grande taille, les organismes publics, parapublics et consulaires, dont deux tiers ont plus de 20 ans, génèrent 22 % du chiffre d’affaires total des organismes de formation et accueillent 10 % des entrées en formation, bien qu’ils ne représentent qu'1 % de l’ensemble des organismes.
* Les CFA correspondent aux organismes de formation bénéficiant de financement Opco au titre de l’apprentissage. Dans la suite du texte, les CFA exclusifs se définissent comme des organismes de formation dont la part des apprentis représentent plus de 80 % de l’ensemble des stagiaires formés. ** Ces déclarations documentent les ressources, les clients et les formations dispensées par les organismes de formation.
- Une segmentation marquée en fonction des publics formés et des sources de financement
- Une ouverture à de nouveaux publics et sources de financement grâce à la réforme
- La sous-traitance, une pratique courante sur le marché de l’offre de formation
- Les organismes de formation dans le contexte des marchés publics
- Des évolutions notables concernant les types de formations proposées
- La certification Qualiopi, un moyen de bénéficier de fonds publics
- En savoir plus
Une segmentation marquée en fonction des publics formés et des sources de financement
Les travaux du Céreq réalisés au début des années 2000 [2] ont pointé la forte segmentation du marché de la formation en fonction notamment des financements et des publics : les financements privés, majoritaires, allaient aux organismes formant des salariés, les financements publics à ceux formant des personnes en recherche d’emploi. En 2021, les employeurs (entreprises, associations ou administrations) souhaitant former leurs propres salariés apparaissent toujours au cœur du marché de l’offre de formation : d’après les résultats de l’enquête ETOF, la majorité des organismes a pour clients des employeurs (Encart 5). Ce point commun n’empêche pas des différences notables entre types d’OF.
Les organismes privés à but lucratif forment, dans plus de 80 % des cas, des salariés du privé, des fonctionnaires, des indépendants ou des chefs d’entreprise, et il s’agit de leur public principal pour près de trois quarts d’entre eux (Encart 4). Moins d’un tiers forment également des demandeurs d’emploi ou des alternants. Le marché et la concurrence régissent leurs comportements et leurs stratégies économiques. En effet, ces organismes ne sont que très peu à répondre à des appels d’offres dans le cadre de marchés publics qu’ils jugent « trop contraignants voire contraires à leurs principes de libre concurrence » [3]. C’est notamment le cas des micro-OF qui ne sont que 4 % à l’avoir fait en 2021, contre près de 40 % des OF publics.
Selon la taille des organismes privés à but lucratif, les clients*** diffèrent. Pour les organismes autres que micro-OF, deux tiers ont pour clients des employeurs dans le but de former leurs salariés. Il s’agit même de leurs financeurs principaux pour près de la moitié d’entre eux (Encart 5). Plus d’un tiers ont également pour clients des particuliers et des opérateurs de compétences (OPCO). En ce qui concerne les micro-OF, la moitié a des employeurs comme clients. Cependant, ils se distinguent des autres par le fait d’être, pour près de la moitié d’entre eux, financés par d’autres organismes de formation (sous-traitance), ces derniers étant même leur financeur principal pour plus d’un tiers d’entre eux.
La variété du public et des clients/financeurs est un trait marquant des organismes publics et associatifs. Si plus de deux tiers de ces organismes forment des salariés du privé, fonctionnaires, indépendants ou chefs d’entreprise, ils sont également nombreux à former des demandeurs d’emploi (respectivement 41 % pour les associations et 54 % pour les organismes publics, contre 31 % pour l’ensemble) et des alternants ou étudiants en formation initiale (respectivement 26 % pour les associations et 46 % pour les organismes publics, contre 21 % pour l’ensemble) (Encart 4). Les transactions directes entre ces OF et des particuliers (salariés ou personnes en recherche d’emploi), c’est-à-dire sans intermédiation d’une entreprise ou des pouvoirs publics, concernent près de la moitié d’entre eux.
La moitié des organismes publics ont pour financeurs les pouvoirs publics (France travail – ex Pôle emploi, établissements d’enseignement supérieur, conseils régionaux et autres collectivités locales) dans le cadre de leur mission d’accompagnement et de réinsertion sur le marché du travail des personnes en recherche d’emploi, mais également les OPCO, dans le cadre de leur mission de financement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation des alternants. À ce titre, ils sont 19 % à avoir comme clients principaux les pouvoirs publics, contre 9 % pour l’ensemble, et 21 % les organismes gestionnaires des fonds de la formation (OPCO et Fonds d’assurance Formation), contre 8 % pour l’ensemble.
*** Ce n’est pas nécessairement la personne qui suit une formation qui en paye les frais pédagogiques. La formation d’une personne salariée peut ainsi être payée par elle-même, son employeur, un opérateur de compétences, etc. Le terme « public » désigne ici les personnes suivant effectivement les formations, et le terme « client ou financeur », les personnes ou institutions payant les prestations.
Une ouverture à de nouveaux publics et sources de financement grâce à la réforme
La réforme de 2018 n’a pas eu les mêmes effets, en termes de financement et de renouvellement des publics, selon le type d’organisme de formation.
La majorité des organismes privés à but lucratif confortent leur activité dans l’accueil de salariés, plus d’un quart d’entre eux – hors micro-OF – ayant même constaté une hausse du nombre de salariés formés. En 2021, ils renforcent ainsi leur positionnement sur le marché de la formation financée par les employeurs (hausse de la part de ces derniers dans leur chiffre d’affaires pour un quart d’entre eux depuis la réforme) ou par les particuliers (hausse pour 19 % d’entre eux).
En revanche, les organismes publics et associatifs font état d’une diversification de leurs publics et clients. En 2021, respectivement 32 % et 24 % d’entre eux constatent ainsi des évolutions relatives aux publics formés aux cours des trois dernières années (Encart 6). Près d’un organisme privé à but non lucratif sur cinq déclare une hausse de la part de salariés et d’apprentis formés parmi l’ensemble de ses stagiaires (respectivement 22 % et 17 %). C’est également le cas des organismes publics même en excluant les CFA exclusifs du champ de l’étude (Encart 1). Ainsi, 38 % des organismes publics constatent une hausse de la part des apprentis formés, contre 12 % pour l’ensemble des OF. En relevant le plafond de l’âge des apprentis (de 25 à 29 ans) et en modifiant les aides destinées aux employeurs (création de l’aide unique) et le financement des CFA (passage au coût contrat), mais surtout en supprimant le conventionnement avec l’État et les conseils régionaux, la réforme a grandement facilité l’ouverture à l’apprentissage de nouveaux organismes, toutes catégories confondues, qui ne s’étaient pas positionnés auparavant sur ce segment du marché de la formation. Cela a conduit à un « boom » historique des contrats d’apprentissage, dont le nombre a presque doublé entre 2018 et 2021 pour atteindre 850 000 au 31 décembre 2021 (https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/le-contrat-dapprentissage).
Autre effet pour les associations et les organismes publics : la hausse du financement par les OPCO. En effet, leur part dans le chiffre d’affaires a augmenté de 21 % pour les premiers et de 35 % pour les seconds. Les OPCO sont mandatés depuis la dernière réforme pour gérer les demandes de formation dans le cadre du dispositif de promotion par alternance « Pro-A » mais surtout du dispositif « FNE formation », ce dernier ayant particulièrement été mobilisé pendant la crise sanitaire pour la formation des salariés placés en activité partielle.
Cette diversification du public et des financements est également une conséquence de l’essor du CPF suite à sa monétisation et sa désintermédiation. Environ un OF sur cinq déclare dans l’enquête ETOF avoir reçu des financements au titre du CPF en 2021. Les moins nombreux sont les micro-OF privés à but lucratif (14 %), suivis par les OF privés à but non lucratif (20 %), les autres OF privés à but lucratif (29 %) et les OF publics (36 %). La part d’OF ayant reçu des financements CPF est d’autant plus importante qu’ils ont un chiffre d’affaires élevé : elle est de 9 % pour les OF réalisant moins de 10 000 € de CA mais de 65 % pour ceux dont le CA dépasse le million d’euros. Les OF les plus récents ont, à catégorie juridique et niveau d’activité donnés, plus de chance de dispenser des formations dans le cadre du CPF.
Le degré d’engagement dans le CPF est très variable selon les OF. Si beaucoup d’OF publics ont une activité CPF, celle-ci est marginale d'après les BPF remplis par ces derniers : la part du CPF représente plus de 25 % de leur chiffre d’affaires pour seulement 4 % d’entre eux. En revanche, cette part dépasse 40 % pour les OF privés à but lucratif, quelle que soit leur taille. La part du CPF représente même plus de 75 % du chiffre d’affaires de 13 % des micro-OF réalisant des formations financées par le CPF. Cette proportion atteint 16 % des autres OF privés à but lucratif contre seulement 1 % des organismes publics. Les OF privés à but lucratif se sont donc moins souvent orientés vers les formations financées par le CPF que les OF publics, mais lorsqu’ils l’ont fait, ces formations représentent une part plus importante de leur activité.
La sous-traitance, une pratique courante sur le marché de l’offre de formation
Pour faire face à la hausse de leur activité, si certains organismes recrutent directement des formateurs en interne, d’autres ont privilégié le recours à des personnels externes. C’est notamment le cas des associations et des organismes publics : en 2021, deux tiers d’entre eux ont fait appel à des formateurs et/ou accompagnateurs externes au cours des trois dernières années, dont la moitié de manière régulière, contre 20 % pour l’ensemble des OF.
Un tiers des organismes de formation (hors micro-OF) a recours à un ou plusieurs sous-traitants en 2021, c’est-à-dire qu’ils confient une partie ou la totalité de leurs activités ou de leurs services (formation ou autre) à un personnel extérieur. Si l’ensemble de ces organismes délègue à un sous-traitant avant tout l’animation de formations (82 %), les organismes publics se distinguent en confiant également l’élaboration de contenus de formation (54 %) et la proposition de formations certifiantes (27 %) (Encart 7). Le marché de l’offre de formation semble se caractériser par une sous-traitance de spécialité [4] : plus de la moitié de l'ensemble des organismes donneurs d’ordres ont recours à la sous-traitance afin d’élargir le contenu de leur offre de formation. Ils confient ainsi une prestation qu’ils ne peuvent assurer eux-mêmes car ils ne disposent pas des ressources, outils ou savoir-faire nécessaires. Dans une moindre mesure, il existe également une sous-traitance de capacité qui concerne un peu plus d’un quart des organismes donneurs d’ordres qui ont recours à la sous-traitance afin d’augmenter leurs capacités d’accueil de stagiaires. Dans ce cas, ils sont en mesure d’assurer eux-mêmes la prestation, c’est-à-dire qu’ils disposent du savoir-faire, mais qu’ils n’arrivent pas à répondre à la demande. Cette solution permet d’ajuster les effectifs en fonction des besoins et d’éviter les surcharges de travail et les conséquences que cela implique.
Contrairement aux idées reçues, les organismes donneurs d’ordres ont plus tendance que les autres à recruter. En effet, la moitié des organismes ayant eu recours à un ou plusieurs sous-traitants en 2021 ont également essayé de recruter de nouveaux formateurs ou accompagnateurs au cours des trois dernières années (contre 16 % des OF qui n'y ont pas eu recours), la quasi-totalité ayant réussi mais le plus souvent avec difficultés (notamment parmi les OF publics).
Selon les BPF, la part des organismes de formation (hors micro-OF) sous-traitant une partie de leur activité de formation apparaît relativement stable dans l’ensemble entre 2019 et 2023. A contrario, la part des organismes ayant été sous-traitants – principalement composés de micro-OF – ne cesse de progresser sur la même période. En effet, comme évoqué précédemment, près de la moitié de ces micro-OF travaillent directement pour d’autres organismes de formation. Dans ce cas, la part des recettes découlant de ces contrats représente plus de la moitié de leur chiffre d’affaires total pour plus de trois quarts d’entre eux. Cette configuration traduit une forme de dépendance économique, notamment en cas d’un petit nombre de donneurs d’ordres [5].
Les organismes de formation dans le contexte des marchés publics
De nouvelles formes de partenariats ou de collaborations entre organismes s’observent également, notamment dans le cadre des réponses aux marchés publics. En 2021, plus d’un tiers des organismes publics ont répondu à des appels d’offres (AO) dans le cadre de marchés publics, ou à des appels à projets (AAP) financés sous la forme de subventions (contre 12 % des autres organismes privés à but lucratif). Pour plus de la moitié des OF publics concernés, répondre à ces appels a surtout entrainé une adaptation/spécialisation de leur offre de formation. Pour plus d’un tiers d’entre eux, cela a également permis un développement de la cotraitance, permettant à plusieurs organismes de se regrouper momentanément pour mutualiser leurs ressources professionnelles humaines, techniques ou financières. Pour les organismes publics ayant répondu à des AO et des AAP dans le cadre d’un groupement, cette nouvelle forme de collaboration correspond généralement à une logique de complémentarité d’expertise (79 %) plutôt qu’à une nécessité d’atteindre une taille suffisante (28 %). À nouveau, la collaboration entre OF relève plus souvent d’une cotraitance de spécialité que d’une cotraitance de capacité. Ces nouveaux modes de collaborations ne sont pas sans incidence en termes d’organisation du travail. En 2021, plus d’un tiers des organismes publics constatent ainsi une évolution de l’organisation interne du travail au cours des trois dernières années.
Les réponses aux AO et AAP s’inscrivent majoritairement dans le cadre du PIC ou des PRIC. Visant l’augmentation de l’effort de formation en direction des personnes en recherche d’emploi rencontrant des difficultés d’insertion professionnelle, les financements du PIC servent également à renforcer des programmes d’accompagnement à destination des jeunes (dispositif « prépa-apprentissage ») et à soutenir des actions de développement des compétences à destination des salariés en parcours d’insertion au sein des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). En 2021, les OF ayant répondu à des AO et AAP sont également les plus nombreux à déclarer une consolidation de leur activité au cours des trois dernières années (45 % contre 29 % pour les autres OF), période marquée par de nombreux changements structurels et conjoncturels.
Des évolutions notables concernant les types de formations proposées
L’évolution des modalités pédagogiques est également au cœur des transformations de l’offre de formation (Encart 6). En effet, en 2021, un tiers de l’ensemble des organismes déclarent une évolution de leurs modalités pédagogiques au cours des trois dernières années (47 % pour les organismes publics). Si la plupart des OF continuent à dispenser des formations en présentiel (pour 80 % d'entre eux), en 2021, près de la moitié de l’ensemble des organismes déclare une hausse du nombre de formations dispensées en distanciel au cours des trois dernières années. Près de la moitié des OF publics constate également une augmentation des for- mations bimodales (mélange de présentiel et de distanciel), leur référentiel de formation imposant souvent des heures en présentiel et l’usage de plateaux techniques avec machines et/ou outils. La crise sanitaire a permis l’accélération de la diffusion de ce type de pratiques en lien avec une demande croissante des entreprises, des apprenants et des organismes de formation [6].
En ce qui concerne le caractère certifiant ou diplômant des formations proposées, la diversité prévaut toujours, notamment selon le public visé. Formant principalement des salariés, les organismes privés à but lucratif, quelle que soit leur taille, privilégient des formations non certifiantes ou diplômantes. Dispenser des formations préparant à des certifications n’est pas à la portée de tous les organismes, notamment les micro-OF, car elles nécessitent en général l’autorisation ou l’habilitation de l’organisme qui délivre la certification. Ainsi, plus de deux tiers des micro-OF privilégient la vente de formations élaborées sur mesure avec des modalités et contenus à géométrie variable. Leur offre de formation ne se décline généralement pas sous forme de catalogue. Par ailleurs, si la grande majorité des OF dispense des formations renvoyant à des savoirs professionnels propres à un métier, en 2021, les micro-OF sont également nombreux à proposer des formations transversales : langues, bureautique, communication, management (40 % contre moins de 30 % pour les autres OF). Ces formations apparaissent même comme leur offre principale de formation pour un tiers d’entre eux (contre moins de 20 % pour les autres). Les micro-OF sont également plus nombreux à dispenser des prestations de coaching (21 % contre moins de 10 % pour les autres OF).
Formant davantage des demandeurs d’emploi ou des alternants, les associations et les organismes publics optent davantage pour des formations certifiantes inscrites au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou au répertoire spécifique (RS). C’est notamment le cas des organismes publics, qui sont trois quarts à proposer des formations certifiantes ou diplômantes. Les organismes publics déclarent davantage d’autres activités que la formation stricto sensu, telles que le développement d’outils pédagogiques et/ou de contenus de formation (34 %), la validation des acquis de l’expérience (VAE) (33 %), l'identification des compétences des stagiaires (24 %), ou l’insertion et l’accompagnement vers l’emploi (23 %). Une telle diversité d’activités, souvent permise par la taille plutôt importante de l'organisme, leur permet ainsi de varier leurs sources de revenus.
La certification Qualiopi, un moyen de bénéficier de fonds publics
Depuis le 1er janvier 2022, tout prestataire d’actions concourant au développement des compétences doit être certifié Qualiopi s’il souhaite bénéficier de financements publics ou mutualisés, notamment pour pouvoir dispenser des formations dans le cadre du CPF. Plus précisément, Qualiopi est une démarche qualité qui certifie le processus par lequel l’organisme construit et délivre ses prestations. Comme le montre l’enquête sur la certification Qualiopi (ECQ), menée conjointement par le Céreq et la Dares en 2023 (Encart 1), la moitié des organismes de formation sont certifiés Qualiopi. Seulement un tiers des micro-OF sont détenteurs de la certification, contre deux tiers des autres organismes (Encart 8).
Près de deux tiers des organismes de formation certifiés Qualiopi se sont principalement emparés de cette certification afin d’être éligible à des fonds publics ou mutualisés. Pour le tiers restant, leur principal objectif était de poursuivre une démarche de conduite du changement et d’amélioration durable de leurs pratiques. Au-delà du principal intérêt associé à la certification, lorsque les organismes sont interrogés sur l'ensemble des raisons qui les ont conduits à s'engager dans cette démarche, la quasi-totalité (83 %) déclare avoir cherché à obtenir la certification Qualiopi afin d’attester de la qualité des formations proposées (Encart 8). Les autres raisons les plus souvent citées diffèrent selon les OF. D’un côté, plus de la moitié des organismes publics avaient pour objectif d’améliorer la lisibilité de leur offre de formation sur le marché (57 %) et de continuer à proposer des formations VAE et CPF (54 %). De leur côté, près de la moitié des OF privés à but lucratif cherchaient à acquérir de nouveaux marchés ou capter de nouveaux clients (respectivement 47 % des micro-OF et 41 % des autres OF) et à avoir un avantage concurrentiel ou commercial pour gagner des marchés sur fonds privés (respectivement 37 % et 35 %).
L’obtention de cette certification est conditionnée au respect d’un ensemble de 7 critères et 32 indicateurs imposés par le référentiel national qualité (RNQ)****. La démarche de certification implique donc un investissement humain et financier important : éventuels recours à un prestataire externe pour les accompagner dans la préparation, mobilisation de personnels en interne, dépenses liées aux audits***** et à leur préparation. Ces contraintes conduisent de nombreux micro-OF privés à but lucratif à ne pas s’engager dans un tel processus : 44 % évoquent une démarche trop lourde, 43 % un manque de personnel et 37 % un coût trop élevé (Encart 8). Lors du déroulement de l’enquête au cours de l’été 2023, aucun texte réglementaire n’imposait expressément l’obligation pour tout sous-traitant de détenir cette certification. En cas de sous-traitance, le donneur d’ordres restait donc le seul et unique responsable de la qualité de la formation. S’il faisait appel à la sous-traitance pour réaliser ses prestations de formation, il devait lui-même s’assurer du respect de la conformité au RNQ octroyant Qualiopi (Indicateur n° 27). Un sous-traitant pouvait donc accéder à des fonds publics ou mutualisés par l’intermédiaire d’un donneur d’ordres détenteur de la certification. Ainsi, 61 % des micro-OF privés à but lucratif expliquent n’avoir jamais souhaité obtenir cette certification car ils étaient sous-traitants d’un organisme la détenant déjà.
Ce régime a été modifié par un décret publié le 30 décembre 2023, prévoyant notamment qu’une partie des sous-traitants (hors régime micro-social et chiffre d’affaires inférieur à 77 700 € par an) soient soumis aux mêmes obligations que leurs donneurs d’ordres quand ils exécutent des actions éligibles au CPF. Ce texte vise également à limiter le recours à la sous-traitance en fixant un plafond de missions sous-traitées à 80 % du chiffre d’affaires réalisé sur la plateforme « Mon Compte formation ». Accompagnées par la baisse de la prise en charge de l’apprentissage par l’Etat et l’instauration de la participation forfaitaire obligatoire (ou reste à charge) pour le CPF, en vigueur depuis 2024, ces nouvelles dispositions devraient impacter l’activité des organismes de formation.
**** Décret n°2019-65 du 6 juin 2019 relatif au référentiel national sur la qualité des actions concourant au développement des compétences.
***** Pour obtenir la certification, les prestataires d’actions concourant au développement des compétences doivent se soumettre à un audit initial, puis un audit de surveillance à plus ou moins 18 mois, enfin à un audit de renouvellement au bout de 3 ans. La certification est valable 3 ans à l’issue du résultat favorable de l’audit initial. https://travail-emploi.gouv.fr/qualiopi-marque-de-certification-qualite-des-prestataires-de-formation
En savoir plus
[1] Dares, Jaune budgétaire : Annexe au projet de loi de finances pour 2022 : formation professionnelle, Dares/ministère du Travail, 2022.
[2] J. Vero, P. Rousset (2003), La structuration de l’offre de formation continue, Céreq, NEF n° 4, 2003.
[3] J. Paddeu, P. Veneau, « Les mondes pluriels de la formation des demandeurs d’emploi », Céreq Bref, n° 440, 2023.
[4] B. Chaillou, « Définition et typologie de la sous-traitance », Revue économique, vol. 28, n° 2, 1977.
[5] J.-C. Sigot, J. Vero (2022), « Sous-traitance en chaine : le maillon faible de la formation en entreprise », Céreq Bref, n° 387, 2022.
[6] E. Melnik-Olive, « Crise sanitaire et formation professionnelle : le temps libéré ne suffit pas pour former », Céreq Bref, n° 420, 2022.