Céreq Echanges, n° 24, Novembre 2024, 120 p.

Premiers pas sur le marché du travail : quand les inégalités s’en mêlent

Ce premier tome - issu d'une série de trois - porte sur les inégalités, de genre, de classe, ethnoculturelles ou encore territoriales, parfois cumulatives, qui pèsent sur l'éducation et l'emploi. En 2020, dans le cadre des enquêtes Génération, le Céreq a interrogé un échantillon représentatif des 746 000 jeunes qui ont quitté pour la première fois le système éducatif en 2017 à tous les niveaux de formation. La disponibilité de ces données a été l'occasion de mettre en place un groupe d'exploitation qui a réuni des chargé·es d'études du Céreq et de ses centres associés régionaux ainsi que des chercheurs et chercheuses d'autres organismes. Les différentes études ont abouti à des contributions originales. In fine, trois thématiques ont émergé de ces travaux et ont donné lieu à trois ouvrages.

Tome 1 - Premiers pas sur le marché du travail : quand les inégalités s’en mêlent 

Exploitations de l’enquête 2020 auprès de la Génération 2017 

  • En sociologie, depuis les travaux fondateurs de Bourdieu et Passeron dans les années 1960, il est acquis que la réussite scolaire est intimement liée à l’origine sociale. Aujourd’hui, le système scolaire français ne permet toujours pas à l’ensemble des jeunes, quelle que soit leur origine sociale, d’avoir les mêmes chances de réussir et d’acquérir les mêmes diplômes et, en conséquence, d’avoir les mêmes armes et bagages pour entrer dans les mêmes conditions sur le marché du travail (Dabet, Épiphane et Personnaz, 2023). 
  • Mais l’origine sociale n’est pas la seule source d’inégalité à peser sur le destin des jeunes, au cours du parcours scolaire et sur le marché du travail. Qu’elles soient de genre, de classe, ethnoculturelle ou territoriale, les inégalités sont multiples et toujours patentes. Ainsi, en dépit d’une élévation de leur niveau de diplôme, les femmes sont toujours moins bien loties dans l’emploi, et moins nombreuses à devenir cadre (di Paola, Épiphane et Del Amo, 2023) ; les jeunes immigré·es et descendant·es d’immigré·es d’Afrique ont des taux d’emploi inférieurs aux taux attendus à caractéristiques observables équivalentes (Jugnot, 2023) ou encore, les jeunes originaires des quartiers prioritaires de la politique de la ville quittent le système éducatif moins diplômé·es que les autres et sont pénalisé·es dans l’accès aux formations en alternance (Personnaz et Sawadogo, 2024). Ces inégalités sont souvent cumulatives. 
  • La force des inégalités intragénérationnelles et leur persistance rendent donc inopérante toute approche de la jeunesse comme un tout homogène. Il demeure important de les décrypter et de les souligner, comme le font les auteurs et autrices de ces chapitres, dans un contexte où le modèle d’égalité des chances reste un mantra permettant de renvoyer à chacun et chacune la responsabilité de ses éventuels échecs scolaires et/ou professionnels. 
  • Dans sa contribution, Marion Flécher s’intéresse aux profils et aux trajectoires des rares femmes qui se sont orientées vers le secteur, très masculin, de l’informatique. Elle montre que si l’obtention d’un diplôme en informatique permet aux jeunes femmes d’accéder à des postes stables et mieux rémunérés qu’en moyenne, à la différence des hommes, près de la moitié d’entre elles quittent ce secteur dans les premières années de vie active, sans toujours parvenir à rentabiliser leur diplôme en dehors des métiers et des secteurs cible. 
  • Le genre est également au cœur de l’étude économétrique sur les relations entre niveau d’études, expérience professionnelle, salaire et emploi de Damiano Argan, Robert Gary-Bobo et Xavier Lacour. Ici aussi, il apparaît comme facteur discriminant dans les rendements de l’expérience puisqu’on observe la persistance, en 2020, d’une discrimination salariale défavorable aux femmes. Ces auteurs montrent aussi l’existence d’une discrimination salariale liée aux origines étrangères qui frapperait moins les femmes que les hommes ayant ces mêmes origines. 
  • L’article de Sabina Issehnane et Wided Merchaoui témoigne également de l’intérêt heuristique d’étudier les effets croisés du genre et de l’origine géographique. En effet, les autrices montrent que si le genre reste un élément discriminant sur le marché du travail, l’origine géographique des parents a également un impact plus important sur le fait d’accéder, en début de carrière, à une trajectoire de bonne qualité, l’impact négatif du genre se révélant ainsi moindre que celui d’être descendant·es d’immigré·es africain·es. 
  • La prise en compte du genre, de l’origine migratoire, mais également de la dimension spatiale est au cœur de l’analyse de Mathieu Bunel sur le sentiment d’être victime de discrimination sur le marché du travail en début de vie active. Il montre ainsi que si ce sentiment varie fortement selon les caractéristiques individuelles des jeunes, il diffère selon les zones d’emploi, en fonction notamment de la structure de leur électorat, du dynamisme de leur marché du travail ou de leur proportion d’étrangers.
  • La dimension territoriale semble donc centrale pour étudier les inégalités d’insertion des jeunes en début de carrière. C’est également l’approche choisie par Elsa Personnaz et Arthur Félix W. Sawadogo qui interrogent l’effet, et son évolution dans le temps, du lieu de résidence des jeunes (dans un QPV versus hors QPV) sur leurs parcours scolaires et professionnels. En mobilisant les données de deux enquêtes Génération (2010 et 2017), iels montrent en quoi la structure sociodémographique et scolaire des jeunes des QPV a changé et l’effet territorial sur leur insertion professionnelle a légèrement diminué au cours de la dernière décennie. 
  • À l’instar des deux chapitres précédents, celui de Bastien Bernela, Liliane Bonnal, Inès Touré et Ahmed Tritah examine l’effet de l’origine territoriale sur les premiers pas dans la vie active. Il nous enseigne que, à l’occasion des études supérieures et de l’entrée sur le marché du travail, les dynamiques économiques locales influencent la mobilité géographique, mais que cette influence est sensible à l’origine sociale. 
  • D’origine sociale, il en est enfin aussi fortement question dans la dernière contribution de cet ouvrage dans laquelle Gaëlle Dabet, Dominique Épiphane et Elsa Personnaz examinent le profil des rares jeunes d’origine sociale modeste qui, trois ans après leur sortie du système scolaire, sont devenu·es cadres. Après avoir dégagé les principaux facteurs explicatifs d’une position professionnelle ascendante par rapport à celles de leurs parents, elles s’attachent à voir si ces jeunes connaissent les mêmes situations professionnelles que leurs homologues d’origine sociale plus favorisée, en d’autres termes si ces « transclasses » sont effectivement des cadres comme les autres.

     

 

Céreq Échanges issus du groupe d'exploitation 

Exploitations de l’enquête 2020 auprès de la Génération 2017 

  • Le tome 1 porte sur les inégalités, de genre, de classe, ethnoculturelles ou encore territoriales, parfois cumulatives, qui pèsent sur l'éducation et l'emploi.
  • Le tome 2 se concentre sur les trajectoires en début de vie active et les aléas qui viennent les percuter, au premier rang desquels, pour cette Génération, la pandémie de Covid-19.
  • Le tome 3 traite des évènements et spécificités du parcours scolaire et leurs effets sur l'insertion.