Répondre aux besoins en compétences à l’heure de la transition écologique : représentations et réalités
Ce projet a d'été sélectionné dans le cadre de l’appel à projets de recherche du Plan d'investissement dans les compétences géré par la DARES. Sur une durée de 24 mois, il porte sur le renouvellement des compétences lié à la transition écologique au regard des opportunités dont il est porteur pour les individus et des questionnements qu'il devrait susciter chez les acteurs de l'emploi.
L’exigence croissante de prise en compte de l’environnement dans l’ensemble des activités humaines, au premier rang desquelles les activités de production, fait l’objet depuis plusieurs années d’une construction en tant que problématique transnationale, et présente au moins en théorie un caractère consensuel. Dans le domaine qui nous préoccupe, celui de l’emploi, la dimension environnementale se traduit a priori par une double tendance : d’une part l’émergence de nouveaux segments d’emplois directement liés à l’environnement (emplois verts tels que ceux du tri des déchets) ; d’autre part la recomposition d’emplois existants afin de prendre en compte les exigences environnementales dans le déroulement de l’activité (emplois « verdissants », par exemple dans le domaine de l’éco-construction). L’hypothèse centrale est que les transformations de l’emploi liées à la transition écologique sont porteuses d’un renouvellement de certains domaines de compétences et que celles-ci, non encore stabilisées, peuvent être sources d’opportunités pour les individus ciblés par le Plan d’Investissement dans les Compétences. Cette hypothèse est étayée à la fois par des travaux de recherche antérieurs et par l’existence au sein d’un certain nombre de secteurs de démarches prospectives visant à identifier lesdites compétences liées à l’environnement.
L’hypothèse secondaire est que cette émergence de compétences (nouvelles ou en recomposition) va susciter des questionnements quant à leur repérage, leur acquisition, leur développement, leur validation et leur reconnaissance, qui vont s’imposer à des acteurs de différents niveaux (organisation productive, gestionnaires des ressources humaines, acteurs de branche). Ces questionnements devraient à nos yeux susciter des réflexions comparables à celles des années 90-2000 lorsque, dans un contexte européen marqué par des mutations globales du travail et de l’emploi, s’est imposée la question de la mesure des compétences, préalable à celles de leur instrumentation de gestion. Par rapport à cette période pionnière, la notion de compétence est aujourd’hui nettement mieux balisée, de sorte que nous pouvons avancer que les compétences à identifier n’existent pas en tant que telles mais s’inscrivent dans des parcours et des métiers, se développent dans les activités de travail, et s’objectivent dans des outils de gestion des ressources humaines qui traduisent des compromis relatifs à leur définition. Ce sont ces trois objets complémentaires que nous allons investiguer.
Ce projet propose trois niveaux d’analyse des transformations de la compétence en lien avec la transition écologique :
► Les parcours d’insertion et de formation à la recherche des conditions de mise en correspondance entre emplois et formation, et des articulations entre trajectoires, expériences et projets dans les parcours des salariés. Le Céreq est producteur de deux bases de données qui permettent la caractérisation de ces emplois et des parcours des individus qui les occupent, d’une part au sein de population de jeunes débutants (Enquête Génération) et d’autre part parmi les salariés en activité (Enquête Défis). Ce travail de nature statistique sera complété par des entretiens biographiques de salariés permettant de resituer les parcours dans toutes les dimensions sociales de leur déroulé.
► Les instruments de la compétence quand elle est formalisée dans des travaux de prospective au niveau des branches (de type démarche EDEC soutenues par le PIC) et au moment où l’entreprise l’opérationnalise dans des actes de gestion de la main-d’œuvre. Ces actes relèvent de pratiques managériales et font l’objet d’investissements de forme, mais sont aussi posés par l’encadrement de proximité et appropriés collectivement dans un travail d’organisation.
► De façon transverse, un chantier théorique de capitalisation sera mis en place de façon à produire une évaluation de la portée opérationnelle de la notion de compétences dans le cadre des métiers liés à la transition écologique sur la base d’un état des lieux des conceptions, appropriations et représentations de cette notion, alimenté par les résultats de cette recherche qui seront mis en débat dans le cadre d’un séminaire tout au long du projet et d’une journée d’étude avec publications in fine.
L’une des originalités de la démarche proposée consiste dans l’articulation des approches quantitatives, via l’exploitation des bases de données propres au Céreq, issues des enquêtes Génération et Defis, avec des entretiens réalisés auprès des acteurs de branche engagés dans des EDEC, et enfin des approches monographiques utilisant différents types d’entretien auprès des acteurs de l’entreprise complétés par une démarche d’observation du travail. Ces monographies viendront nourrir de manière transversale les différents pans de la recherche. Nous projetons de les réaliser dans 6 structures choisies au sein de trois secteurs dans deux régions : le bâtiment, l’économie sociale et solidaire et le commerce. Outre la diversité en termes de taille et de statut des structures, ces secteurs présentent l’avantage d’être fortement intensifs en main d’œuvre (donc adaptés aux objectifs du PIC), et d’être engagés dans des démarches prospectives (EDEC) en lien avec la transition écologique.
Composition de l’équipe : Liza BAGHIONI et Emmanuel SULZER (pilotage) et la participation de Nathalie MONCEL, Samira MAHLAOUI, Delphine BERAUD, Anne DELANOE, Olivia FOLI(chercheuse associée), Mathieu HOCQUELET, Zora MAZARI, Fred SECHAUD, Aline VALETTE-WURSTHEN
Contact : Emmanuel Sulzer ou Liza Baghioni
Publications :
Les Céreq Brefs
- Normes environnementales : quels effets sur le travail et les formations ?, Par Anne DELANÖE et Nathalie MONCEL Céreq Bref n°432, 2022
- Dans le commerce de détail alimentaire, les voies contrastées de l'écologisation. Mathieu HOCQUELET et Samira MAHLAOUI, Céreq Bref n°431
- La responsabilité sociétale des entreprises face à la transition écologique. Emmanuel SULZER, Céreq Bref n°430
- Transition écologique : l’État peut-il orienter l’action des secteurs professionnels ? Aline VALETTE-WURSTHEN, Céreq Bref n°429
- La transition écologique dans les métiers de la construction : l’encadrement de chantier en première ligne, Olivia FOLI et Emmanuel SULZER, Céreq Bref n°448
- Des coopératives pour l’écologie : un travail d’organisation ? Liza BAGHIONI et Fred SECHAUD, Céreq Bref n°447
Les Working Papers
• Working Paper no 12, De la RSE à l’écologisation : des chemins de traverse ? Emmanuel SULZER
• Working Paper no 13, Dynamiques de travail et de formation au prisme de la transition écologique : que font les normes environnementales au travail et à la formation des salariés ? Delphine BERAUD, A. DELANOE, N. MONCEL
• Working Paper no 14, Une écologisation à deux visages dans le commerce : répondre aux attentes de la clientèle et la sensibiliser aux nouvelles normes de production. M. HOCQUELET, S. MAHLAOUI
• Working Paper no 15, EDEC et transition écologique, un instrument d’action publique qui verdit les politiques de branches ? Aline VALETTE-WURSTHEN
• Working Paper no 16, Quelles sont les trajectoires d'insertion des jeunes dans les métiers de la transition écologique ?, N. MONCEL, Z. MAZARI
Autres publications