Devenir des sortant·es des premiers cycles universitaires
L’ « abandon » universitaire en premier cycle a été érigé en problème public en Europe au début des années 2000, au nom d’un supposé gaspillage financier et humain. Alors que des politiques nationales, telles que le plan pour la réussite en licence et loi relative à l’orientation et la réussite des étudiant·es (ORE), cherchent à accroître la rétention en licence, près de la moitié des étudiant·es inscrit·es dans les formations générales les quittent dès la première année. À partir des données APOGEE, des données SISE nationales et d’une enquête par questionnaire ad hoc ce Working Paper analyse les trajectoires des étudiant·es inscrit·es en licences 1 et 2 à l’Université Toulouse 2 – Jean Jaurès (UT2J) au cours de l’année universitaire 2016-2017, décrivant les profils, l’expérience et les motivations des étudiant·es qui poursuivent leur cursus, se réorientent ou quittent les formations du supérieur.
Spécialisée en arts, lettres et langues et sciences humaines et sociales (ALSHS), l’UT2J se distingue par sa capacité à attirer une population étudiante variée. Si néobachelier·es généraux·ales constituent 29,3 % des effectifs en première année, tandis que les titulaires de baccalauréats technologiques (5,9 %) et professionnels (4,2 %) sont plus faibles. Par ailleurs, l’université accueille un nombre significatif d’étudiant·es en reprise d’études (17,6 %) et en réorientation depuis d’autres établissements (23 %). Cette ouverture s’accompagne d’une hétérogénéité des niveaux et des attentes.
Les premiers cycles apparaissent comme des espaces d’expérimentation pour la diversité des étudiant·es· accueilli·es, mais aussi de sélection sociale et académique. Près de 62,2% des L1 n’accèdent pas à la L2 l’année suivante. Les bachelier·es généraux réussissent mieux que les autres, avec un taux de passage en L2 de 48 %, contre 21,2 % pour les bachelier·es technologiques et seulement 10,7 % pour les bachelier·es professionnel·les. Les départs du supérieur sont plus fréquents pour les étudiant·es des milieux populaires, en particulier ceux issus de ménages ouvriers ou inactifs.
Quitter l’université après la L1 n’est pas toujours synonyme d’échec, cela peut même être le signe d’un ajustement des aspirations, voire de réalisation des objectifs initiaux pour une partie des 26,6% d’étudiant·es dont la licence n’était pas le premier choix. Près de 15 % des étudiant·es de L1 se réorientent vers d’autres formations universitaires, sans compter celleux qui optent pour les BTS, qui constituaient le voeu initial de 16,5 % des sortant·es donc la licence n’était pas le premier choix. Les étudiant·es sortant·es retirent principalement de leur passage à l’université des connaissances générales (51,3%), une connaissance de soi (35,3 %) et des bons moments (30,7 %).
Si la première année constitue un filtre important, une fois inscrit·es en L2, 60,1 % des étudiant·es accèdent à la troisième année, et 65,6 % obtiennent une licence. Les étudiant·es issus des classes supérieures obtiennent leur diplôme plus rapidement et sont surreprésentés parmi les titulaires de masters. À l’inverse, les étudiant·es issus de milieux modestes rencontrent davantage de difficultés, même après avoir franchi le cap de la L1. Les femmes réussissent plus souvent que les hommes. Malgré cela, l’université joue un rôle d’ascenseur social puisqu’elle permet à 41,2% des enfants d’employé·es et à 35,9 % des enfants d’ouvrier·es et de familles monoactives populaires de décrocher une licence.